Youv Dee : « Je veux que ma musique soit une safe place pour mes fans » (interview)

 

Le 25 avril dernier, il a été possible de rencontrer Youv Dee en personne pour discuter de son nouveau projet, « Pas D’accord ! ». Ce projet fait l’objet d’une transition dans la carrière musicale de l’artiste, d’un univers rap vers un univers rock et metal. Retour sur la conception de cet album et les perspectives d’avenir.

 

Salut ! Comment tu vas ?

Hey ! Ça va tranquille et toi ?

 

Oui super ! On va commencer un peu en douceur. Malgré ton succès tu n’es pas un nom encore très connu dans le monde musical du rock et du metal. Je me disais donc que pour commencer, tu pourrais décrire en quelques mots ton parcours.

J’ai grandi en écoutant vraiment de tout, grâce à mes parents et mes amis. Au collège, j’ai commencé à découvrir un peu la nouvelle vague de musique, avec Linkin Park, Evanescence, Slipknot. Ensuite il y a eu les animés, comme Naruto, et leurs super génériques. Je ne suis pas très musique française à la base. J’ai commencé à écrire des textes vers 17-18 ans, influencé par Stromae et les mouvements de rap collectifs. J’aimais aussi beaucoup la musique rap US, et le style de Young Thug, qui était un des premiers à prendre un skate et une guitare électrique pour faire de la musique, c’était assez inspirant avec tous leurs tatouages sur le visage et tout. Ensuite il y a eu le mouvement Lil Peep, XXX Tentacion… qui ont samplé Slipknot. Et Scarlxrd pour le trap metal. Donc j’ai commencé à rapper, et j’ai évolué vers ce coté trap metal banger, mais je savais que je me dirigeais forcément vers un style beaucoup plus rock globalement. Dès que j’ai pu avoir accès à des musiciens rock j’ai commencé à travailler davantage ce style. Avec l’expérience j’ai décidé de me diriger vers un style new rock age à la Bring Me The Horizon, pour aller voir plus large et mélanger les styles. C’est là où j’en suis aujourd’hui.

 

Ton nouvel album s’intitule « Pas d’accord ! ». C’est un projet difficile à mettre dans des cases, qui mélange des instru rock à des paroles qui restent dans l’esprit rap. Comment tu as pensé l’album, comment tu l’as composé pour arriver à ce résultat ?

On me dit tout le temps que les paroles font rap mais c’est même pas fait exprès ! Haha. De base, je ne le considère pas trop comme un album, juste un long projet, mais je chipote, ça a quand même été construit de la même manière qu’un album. Je voulais raconter une histoire, que ce soit un voyage. En vrai c’est un paradoxe parce que je ne parle que de moi, mais bon, on va dire que c’est un voyage dans ma vie. Par exemple on commence avec Sortir De Ma Tête qui est une chanson aux influences de Linkin Park et Bring me The Horizon avec une touche d’hyperpop car j’aime mélanger les styles. C’est très introspectif et je raconte ma vie, la construction de la chanson le reflète, y’a du soleil, de la pluie, de l’espoir et du désespoir. J’y parle de mes problèmes comme dans un journal intime et ça reste le thème de l’album par la suite.

 

Est-ce que tu écris les paroles et compose la musique toi-même ?

Y’a des morceaux, notamment ceux qui sonnent punk, où j’interviens sur tout. Je peux commencer à les composer seul. Ceux qui sont plus axé metal et grosses guitares, j’ai travaillé avec P.Prod. On se posait, je lui décrivais le mood que je voulais pour une chanson, en mode « Je veux 60% de lumière, 40% d’ombre ». Je ne veux pas quelque chose qui soit trop dépressif, mais je ne veux pas que ce soit trop léger non plus. Il faut un entre-deux. J’aime la musique épique, qui ressemble aux génériques de mangas ou de Disney. On se moque beaucoup de moi en me comparant à ça mais en vrai c’est un compliment, ça veut dire que j’ai réussi ma musique ! Ce serait un rêve de faire un opening d’anime !

 

 

La transition vers le rock/metal a-t-elle été brutale ou c’est arrivé progressivement avec tes autres projets ?

J’ai essayé de le faire de manière progressive. Je ne pense pas que ça puisse être perçu comme un changement drastique. Dès mes premiers morceaux, je parlais d’influences de rock comme Metallica, AC/DC. J’avais déjà un pied dans le milieu. Dès que j’ai pu ajouter des guitares électriques, je l’ai fait. Mais j’avais moins de voix, et je n’avais pas encore les contacts pour me lancer dans cette musique. J’ai essayé de faire une transition très naturelle, mais j’ai fini par avoir un peu un ras-le-bol. Après le premier album, c’était très rap classique, je faisais des promos seulement axées sur le rap genre Skyrock, et j’ai vu comment ma carrière pouvait décoller facilement comme ça. Tu buzz un peu, tu feat un Kaaris, ça fait des vues, tu t’installes sur la scène, des nouveaux rappeurs font le buzz, tu feat avec eux, tu refais 10 fois le même son qui a marché, puis t’achètes ta Lamborghini et t’es tranquille. Je voyais le chemin tout tracé et c’était vraiment pas dur d’en arriver là. Mais ça ne me plaisait pas. Et puis, ça me faisait chier qu’ils me prennent tous pour un vampire quand je venais en interview à cause du style colliers à clous, des grosses New Rock et tout, c’était un peu bizarre pour le monde du rap. Je me suis dit que j’avais fait mon temps dans le rap, j’avais fait ce que j’avais à faire de ce côté et qu’il était temps d’évoluer. J’ai sorti un son dans un style rock japonais, le premier qui sonnait vraiment très opening. C’était comme un défi à relever, ça a marché. C’était un peu un projet style « allez-vous faire foutre », mais j’en avais besoin et c’était évident depuis le début pour moi que j’allais me tourner vers ce style un moment donné.

 

Tu as des exemples de groupes ou de génériques d’anime qui te viennent en tête que tu considères comme tes influences ?

Je ne saurais pas te citer les groupes, mais il y a tellement d’openings que j’écoute premier degré. Les gens ne soupçonnent pas l’impact que peuvent avoir ces chansons rock. Genre le générique de Naruto là, « You are my frieeend, ooooh » (Distance de Long Shot Party, ndlr), il est incroyaaaable ! Ça pète le cul, les guitares et tout, les japonais maitrisent vraiment trop bien ce style. J’aime beaucoup les musiques de Chainsaw Man en ce moment. J’ai recommencé Boruto hier, j’avais grave craché dessus à l’époque. J’ai fait l’interview de Konbini récemment où je donnais des arguments contre, et les gens ont réagi en mode « mais retourne le voir c’est tellement plus que ça ! ». Du coup j’ai recommencé et j’ai fini à 5h du mat’, c’est vrai que c’est trop bien fait ! Je suis trop content de revoir les personnages adultes et tout. Je speedrun le début pour arriver à la partie intéressante. Mais du coup, de la même manière, les génériques sont trop intéressants. J’adore ceux de Bleach aussi. En plus metal, on a Death Note, quel banger. Et même, pour aller plus loin sur le sujet – s’il n’y avait pas eu les AMV Naruto quand j’étais au collège, les combats Naruto/Sasuke sur Bring Me To Life, je n’aurais peut-être jamais découvert toutes ces musiques !

 

Tu veux faire des AMV sur tes propres sons ?

En vrai y’en a déjà plein sur mes anciens morceaux. Surtout sur One Piece, c’est vrai que c’est en lien avec mes anciens sons. Ils arrivent même à sortir des AMV sur des sons calmes qui n’ont rien à voir c’est drôle. Mais maintenant ma musique s’y prête beaucoup plus, alors même si c’est un peu moins la mode des AMV, j’aimerais beaucoup en voir de nouveaux avec cet album.

 

On va s’intéresser un peu aux paroles maintenant vu que je les ai lues. Comment tu les écris ? Tu veux faire passer un message ou tu te focus juste sur des tranches de ta vie ?

Aïe aïe aïe t’as lu toutes les paroles haha ! Non, je ne suis pas du tout dans le message, c’est vraiment très égoïste comme écriture, je ne parle que de moi et de ma vie. C’est juste mes pensées comme ça. J’aimerais bien avoir des musiques qui puissent davantage parler aux gens sans qu’ils aient à être dans la même situation de dépression que moi. J’ai vraiment besoin de bosser sur cet aspect de ma musique.

 

C’est vrai que c’est très centré sur ta vie, mais on ressent aussi un rejet de la société telle qu’elle se présente à toi.

Oui c’est ça. En fait, s’il y a un message, ce serait dans l’aspect global du projet. J’ai envie que les petits ressentent ça en m’écoutant, cet aspect de liberté, de rejeter toutes les normes établies par la société. Aimez qui vous êtes, croyez en vous, on est tous ensemble. Je veux faire de ma musique une safe place. C’est très Shonen comme message. Mais je suis content de pouvoir transmettre des valeurs et des messages maintenant. Quand j’ai commencé le rap, je transmettais zéro message. Je ne parlais que de moi mais surtout je disais de la merde, j’influençais et incitais les jeunes fans, à cause de mes paroles, à prendre de la codéine et autre drogue parce que j’en parlais dans les chansons. Maintenant, même si j’évoque toujours la drogue, je ne dis plus ce que je prends, j’essaie surtout de montrer que c’est mauvais d’en prendre. Je veux me centrer sur un message de liberté, d’acceptation de soi et de positivité alors qu’à la base j’y étais pas du tout.

 

Ça va, c’est une belle évolution !

Grave ! Et ce n’est pas un message pour le business. En ce moment, faut défendre un message très ciblé sur un thème comme la dépression ou autre, pour que ça parle à un maximum de monde et que ça passe à la radio. Même le mouvement Balance Ton Quoi a été utilisé pour le business c’est dommage. Je me demande toujours si je vais réussir à toucher les gens quand même sans me focus sur un thème décidé à l’avance, et au final je pense que ça passe plutôt bien mais c’est moins facile.

 

 

Le visuel de l’album, c’est toi qui l’as créé et réfléchi ?

En général oui, là, la version finale je l’ai réfléchie en détails avec un pote. Après mon premier projet, où je sentais que j’avais tout donné dans le style urbain, j’avais posté une photo où j’étais dans des poubelles entre les rats avec comme message « je reviens bientôt », donc c’est un rappel à ce post. Je voulais appeler le projet « Taxidermie » mais après réflexion, c’était un peu trop compliqué. Je jouais beaucoup avec l’image du papillon, je voulais faire une représentation de nature morte où on me mettait au centre d’un tableau comme un papillon, on essayait de me figer, comme pour piéger un être vivant à un instant T pour garder sa beauté dans le temps plutôt que le laisser se décomposer. Au final ça a pris la forme d’une poubelle, aussi avec l’idée qu’on voulait me foutre à la poubelle. Quand j’ai refusé de refaire encore le même single juste pour l’argent, pour que les labels s’en mettent plein les poches alors que ça m’aurait rendu triste, j’ai bien vu que ça faisait chier tout le monde que je prenne un chemin différent. Au lieu d’être enthousiaste avec moi par un projet différent ou palpitant, ça me faisait chier qu’on me dise d’attendre, de continuer à faire de l’argent et de me dire que je devais attendre 35 ans et une carrière bien établie pour commencer à m’amuser. Donc ils me foutent à la poubelle. Je suis devenu un risque, un artiste moins intéressant. Des amis artistes me tournent le dos car ils perdent leur street cred à traîner avec moi. D’où le titre aussi, je ne suis « pas d’accord » avec cette vision. Je suis le premier à connaître et vivre les conséquences de ce changement, et j’ai plus de couilles que tout le monde de le faire ! Je ne comprends pas que ce soit aussi mal vu en France, alors que genre, Oli Sykes et Mod Sun me follow sur les réseaux. Si j’étais anglophone, ça passerait grave. Donc je ne suis vraiment pas d’accord avec la vision de l’industrie musicale en France.

 

Un mois après la sortie, tu ressens les effets positifs de cette prise de risque ?

Je sens bien que les gens aiment le projet. Ça marche bien en concert aussi. J’avais commencé à les jouer avant la sortie de l’album donc j’avais un peu peur de la réaction des gens vu qu’ils ne s’y attendaient pas trop, mais j’avais besoin de les jouer, j’avais trop hâte. C’était un peu suicidaire mais ça a marché. Là, on a rempli le Bataclan par exemple. Ça fait du bien de faire fermer un peu leur gueules à certains medias rap qui négligeaient le truc. Je suis grave content des retours, j’ai même l’approbation de gens qui sont des vieux puristes de leurs genres, des vieux de 50 ans qui découvrent et qui trouvent ça génial même en étant des pros de la culture musicale. Donc voilà, au moins je ne passe pas pour le gars qui a tenté un projet rock qui est mal passé et qui laisse tomber pour refaire du commercial.

 

Tu comptes garder cette direction pour ta future musique alors ?

Oui bien sûr, je n’en suis qu’au début. Mes modèles, c’est Jimi Hendrix, Elvis, Kurt… intemporel et inimitable. Si je veux continuer à être sur scène à 70 ans je dois me développer. J’apprends à être musicien aussi, plus que chanteur. Si ça ne marche pas et qu’un jour ça s’arrête, j’aurais au moins fait 10 ans dans la musique, et j’ouvrirai un salon de tatouage, teinture, une safe place ou j’inviterai tout le monde.

 

Tu reviens de tournée. Tu peux développer un peu plus sur la réception des musiques par le public en live ?

Franchement j’avais peur mais ça s’est très bien passé. Evidemment, y’a des gens qui ne voulaient plus venir et vendaient leur place car ils étaient déçus du nouveau style, mais tant que y’a quelqu’un pour la racheter et venir ça va. C’est sûr que ça a divisé ma fanbase, j’ai perdu des abonnés, j’en ai gagné des nouveaux. C’est un dur travail de développer sa musique. Manque le feat avec Yunglud pour vraiment être dans la vibe quoi !

 

C’est un but à atteindre pour toi ce feat ?

En vrai, avec tous les artistes que je suis sur la scène émergente, oui. Même, que ce soient les anciens ou les nouveaux, j’aimerais trop bosser avec eux. Måneskin, Oli Sykes, Yungblud, MGK. Même des plus anciens tant qu’ils sont encore en vie. J’ai ma petite liste, mais c’est que des étrangers, c’est dommage qu’en France personne ne fasse vraiment ça.

 

 

De plus en plus dans la nouvelle génération de musiciens, on voit des artistes essayer de repousser les limites des genres et de les mélanger. C’est quelque chose qui te plaît particulièrement ?

J’aime bien oui. Je préfère doser les mélanges par contre. Par exemple pour l’intro on l’avait appelée à la base « hyper metal pop » à cause du mélange. Mais je préfère mettre environ 5% d’autre genres sur un genre principal. Je veux garder le feeling, l’émotion, je veux que ça évoque quelque chose. On m’a comparé à Linkin Park et j’ai eu les larmes aux yeux de penser que j’avais pu retransmettre cette vibe sans les plagier, juste avec la qualité de production.

 

Tu voudrais mélanger du gros rap avec ton son rock de maintenant ?

C’est sympa à faire, et on me dit que je le fais sans vraiment que je fasse exprès. J’aimerais bien mettre de vraies phases de rap sur de futures chansons, mais ce sera sûrement en feat avec des potes qui sont vraiment de purs rappeurs, sur un morceau où je chanterais le refrain, comme In The End de Linkin Park. Je sais que dans ma manière d’écrire les paroles je suis toujours très influencé par le rap, donc des fois j’ai des couplets qui ont l’air rappés, mais c’est mes origines aussi, même si je reprends des structures complètement différentes on me sort quand même que je pose de manière très urbaine. Mais j’essaie de faire en sorte que les gens ne puissent pas me caser, ni dans l’un, ni dans l’autre. C’est vraiment dur de mélanger de manière si parfaite des genres si différents. Et j’ai aussi envie de me détacher de l’image du rappeur pour l’instant. J’ai envie que si y’a une inspi rap, tu la sentes vraiment, que ce soit volontaire et que ce soit du pur rap.

 

T’aimerais faire des trucs plus métal et criés aussi ?

Oui mais j’apprends tout juste, pareil, ça va mettre du temps. Le truc, c’est que j’apprends tout seul. Y’a deux ans, j’avais beaucoup moins de coffre, je me suis entraîné, j’apprends à screamer. Je fais ça beaucoup avec des vidéos YouTube. Tous les deux mois, je constate une amélioration. Maintenant, je peux me le permettre un peu mais ce n’est pas parfait. Mon but ce serait de déchirer les oreilles ! Un de mes goals serait de passer au Hellfest, c’est un peu le test ultime pour savoir si ça va convaincre ou si on va me jeter des tomates. Je veux vraiment apprendre à scream comme Oli dans sa jeunesse, les premiers albums. J’ai beaucoup de chemin pour y arriver, mais je m’améliore avec le temps, c’est pas simple mais ça va venir.

 

Tu as quoi de prévu pour le futur ?

J’ai plein de dates de tournées qui ne sont pas encore annoncées. Je fais des festival cet été par exemple. J’ai des idées pour des prochains projets, j’ai des négociations, et je suis toujours en train de négocier la promo de cet album vu qu’elle se fait après sa sortie là. Je continue à essayer de me faire un nom dans le monde de la musique. Au pire je vrille et je deviens chef d’orchestre, je fais un opéra ou je me lance dans la musique classique. Ça reste des genres que j’adore aussi, surtout le violon, donc tout est possible ! Le live qui m’a le plus touché c’est le live de Bring Me The Horizon à Albert Hall avec l’orchestre symphonique. C’était magnifique, c’est un rêve. Tant que je ne suis pas à ce niveau, je vais continuer à travailler et à m’améliorer !

 

Et bien je te souhaite d’y arriver ! Merci à toi pour cette interview, au plaisir !

Merci à toi, c’était grave cool !

 
 

Tracklist :

1. Sortir de ma tête
2. Suis-moi
3. Longtime
4. Rock’n’Roll
5. Promesse
6. Fallait Pas
7. Pas d’Accord !
8. Mal 2 toi
9. Démons
10. Ma belle
11. Feeling
12. Sadboy
13. Spéciale
14. Casper
15. Poseur

 
 

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