Ce 8 novembre au Bataclan se tenait la soirée Paris Celtique, concoctée par Rage Tour autour des australiens des Rumjacks, des bretons de Celkilt et de Jesse Ahern. L’occasion de constater la montée en puissance des Rumjacks, dont la dernière date en tête d’affiche à Paris (en mars 2022) se tenait à l’Alhambra, une salle presque 3 fois plus petite que le Bataclan. Vous l’aurez compris, comme son nom et l’affiche l’indique, la soirée mettait à l’honneur le celtic-punk et le folk-punk.
Même si la première partie nous vient de Boston, la plus celtique des villes américaines, le style de Jesse Ahern est assez éloigné de la musique celtique. Celui qu’on avait déjà retrouvé en première partie des Dropkick Murphys en février dernier arrive sur scène avec enthousiasme alors que la salle est encore un peu vide. Le musicien multi tâche alterne entre guitare sèche, chant, harmonica, guitare électrique et percussion afin de nous livrer son folk-rock teinté d’un indéniable esprit working class. Le chanteur vient nous présenter les morceaux issus de son album Roots Rock Rebel, sorti il y a quelques mois. Trois mots qui représentent bien l’esprit de la musique de Jesse. La très bonne reprise de Bankrobber des Clash rend hommage à ce qu’on peut facilement penser être ses Roots musicales. Le plus rythmé Pray prouve que malgré qu’il soit seul et que son show peut être assimilé à un concert acoustique, celui-ci garde une énergie Rock. Pour le côté Rebel, on peut citer le morceau Miss Information, qui compare les médias et le monde de l’information à une femme dont il faut se méfier. En plus de ces 3 influences présentes dans la musique de l’originaire de Boston, le côté émotionnel et personnel de son concert et de sa musique est particulièrement touchant. Un très bon moment qui m’a donné de me plonger un peu plus dans la discographie et l’univers du chanteur.
On enchaine avec Celkilt et on sent qu’une partie du public est également venu pour voir les show des bretons. Au vu des t-shirts du Hellfest présent, on peut facilement penser qu’un bon nombre des présents ont découvert le groupe lors de leur passage au Hellfest 2022. Le groupe débarque avec une énergie communicatrice et le public ne tarde pas à se laisser embarquer dans le voyage musical proposé par Celkilt. Musicalement, le groupe propose du punk celtique dans lequel le violon prend une place assez importante, ce qui est assez rare dans ce style de musique. On retrouve aussi des éléments de musique traditionnelle bretonne dont je ne suis pas fan mais cela a le mérite encore une fois d’ajouter de l’originalité dans la formule de Celkilt. Le groupe propose également une formule live originale en faisant participer le public directement au travers de « chorégraphies » que proposent les musiciens. J’avoue que je ne suis pas vraiment convaincu par cette initiative… Le punk-celtique peut être souvent associé à de la musique festive (bien que ce ne soit pas toujours le cas) et l’idée de chorégraphie s’associe en partie à cette idée de danse et de fête. Mais le groupe y ajoute également un côté humoristique et j’avoue ne pas être séduit par cette idée. A mon sens l’humour ne se prête pas à ce style de musique, ce n’est en tout cas pas ce que je recherche lorsque je souhaite écouter ou voir un concert de ce style de musique. Ce point de vue peut paraître un peu étrange mais si on prend en point de comparaison les Rumjacks, qui incarnent à mon sens bien le punk celtique, je ne vois aucun moment où l’on pourrait avoir envie de rire lorsqu’on les écoute. La prestation musicale du groupe reste toutefois vraiment satisfaisante et on ne doute pas un seul instant que le groupe est heureux d’être là!
Les Rumjacks arrivent enfin sur scène et alors que je les vois pour la quatrième fois cette année, je suis toujours aussi content de les retrouver. La popularité du groupe est en plein essor et c’est donc aussi intéressant de suivre cette ascension. Et pour jouer en tête d’affiche du Bataclan, c’est que le groupe a atteint un beau petit sommet. Le groupe semble en être conscient et arrive avec un enthousiasme et une belle envie d’en découdre. Mike Rivkees dégaine sa première mélodie de tin whistle avec l’intro de Kirkintilloch qui lance parfaitement l’ambiance et respecte directement le thème de la soirée. Ce dernier alterne toujours aussi efficacement entre le chant et son instrument, alors que le laps de temps entre une mélodie de tin whistle et ses parties chantées est parfois très court. L’occasion de rappeler à quel point Rivkees a propulsé les Rumjacks dans une autre dimension depuis qu’il a rejoint la bande. Le groupe a pris la bonne mais courageuse décision de se séparer de son ancien chanteur (qui accumulait les problèmes de violence, le menant même devant le tribunal) et on peut dire que la décision leur a été heureuse. Le groupe s’est refait une image et ses dernières sorties, l’album Hestia (2021) et l’EP Brass For Gold (2022), sont particulièrement réussis.
On retrouve donc logiquement beaucoup de ces morceaux, sur lesquels Rivkees est forcément plus à l’aise, dans le set de la soirée. On peut citer le plein d’espoir et touchant Light in My Shadow, la très belle balade Rythm of Her Name, ou la rebelle et working-class Bullhead. La musique des Rumjacks donne la sensation qu’elle vient du cœur et véhicule un sentiment de puissance, de fierté et de courage. Et ce genre d’émotions insufflé par un groupe se prête parfaitement au live où tous ces éléments sont sublimés.
Si le groupe a sans conteste obtenu une belle côte de popularité, ce n’est pas pour autant que le public semble très connaisseur. Hormis sur quelques morceaux, très peu de personnes reprennent les paroles des chansons. Pour autant, l’ambiance est plutôt bonne, ça bouge bien dans la fosse et on sent que le public est très enthousiaste. Ce cas de figure est finalement assez classique pour un concert de ce style de musique. L’atmosphère festive qui est souvent associée à ce style de musique attire des personnes qui viennent principalement pour l’ambiance, et cela amène deux limites selon moi. La première c’est, comme dit précédemment, que les personnes connaissent finalement peu le répertoire du groupe, et c’est toujours mieux pour l’atmosphère que le public connaisse bien les morceaux. La deuxième, plus embêtante, c’est que ce style de public qui vient principalement pour l’ambiance est souvent un public peu habitué des concerts. Et du coup, quand il n’y a pas de barrière entre le public et la scène, c’est la porte ouverte à des comportements déplacés : des mecs qui restent 5 minutes sur scène, qui se prennent en photos ou qui dérangent les musiciens… Des comportements qui ternissent vraiment l’expérience du concert.
Le concert n’en reste pas moins un très bon moment et les Rumjacks nous ont servi un copieux menu avec une setlist bien fournie de 21 morceaux dont un rappel. On retrouve bien évidemment le morceau An Irish Pub Song, qui reste le morceau phare du groupe, qui fera largement l’unanimité parmi le public.
Doté d’une popularité grandissante, les Rumjacks ont assuré un concert à la hauteur de l’attente que peut susciter un show en tête d’affiche du Bataclan. Emmené par un enthousiasme et une puissance toujours intacts, les Australiens ont conclu une belle soirée et prouvé que leur ascension ne tenait pas du hasard.
Merci à Rage Tour pour l’accréditation et au Bataclan pour l’accueil!
