Ce jeudi 15 février marquait le retour de Knocked Loose, qui n’avait pas eu l’opportunité de se produire en tête d’affiche d’une salle française depuis 2019. L’annonce de ce concert, dans une salle aussi grande que l’Elysée Montmartre était assez colossale pour un groupe de hardcore. Il est indéniable que le groupe a gagné en popularité sur ces dernières années, mais ce concert était un sacré test et un gros palier pour le groupe.
Si retrouver Knocked Loose en tête d’affiche de l’Elysée Montmartre peut paraître surprenant, on peut en dire autant de voir se produire Headbussa dans cette iconique salle parisienne. Le groupe s’est fait un nom dans la scène hardcore parisienne mais n’en était pas encore totalement sorti. Les voir se produire dans une salle de plus de 1000 personnes alors qu’ils se produisaient au Klub il y a un mois est assez dingue mais montre une fois de plus que la scène hardcore parisienne est en pleine ébullition et qu’elle suscite de l’intérêt en dehors de la capitale. Dans une certaine tradition parisienne, le groupe nous assène son hardcore brutal très orienté metal voir death metal. Une recette idéale pour réveiller la salle, et ça marche plutôt bien : dans une soirée qui met à l’honneur l’agressivité et l’hostilité, Headbussa a largement trouvé sa place.
On change un peu d’ambiance avec l’arrivée sur scène de Deafheaven, que j’étais également un peu surpris de retrouver sur l’affiche, mais pas pour les mêmes raisons que leurs prédécesseurs. Le style musical des californiens, entre post-metal et screamo me semble assez éloigné de celui de Knocked Loose. Et j’avoue que je n’accroche vraiment pas avec ce groupe, autant dire que je partais avec un a priori plutôt négatif avant le début de leur set. Mais j’ai finalement été plutôt agréablement surpris. Le live permet de mieux saisir les harmonies des compositions du groupe, chose que j’avais du mal à discerner sur album. Et surtout, la prestance et la performance du chanteur George Clarke est vraiment impressionnante. Sa gestuelle et sa manière de chanter donne un caractère solennel à la prestation du groupe. Et l’atmosphère global qui s’organise autour des longs morceaux du groupe, donne un côté très cérémonial au concert du groupe. Toujours pas convaincu à 100% par ce groupe mais plutôt une bonne surprise tout de même!
On approche des 21h30 et on attend désormais les américains de Knocked Loose. Comme dit plus haut, leur dernier concert en tête d’affiche remontait à 2019 et une date au Gibus (RIP). Entre temps, la popularité du groupe a explosé sans que celui-ci ne soit pourtant très actif d’un point de vue de leurs sorties musicales. On note bien évidemment la sortie de l’EP A Tear in the Fabric of Life (2021) et des Upon Loss Singles (2023), mais rien d’autre de plus consistant à se mettre sous la dent. C’est d’ailleurs avec Deep in the Willow, issu de cette dernière sortie, que s’ouvre le show. Et dès ce premier morceau, l’ambiance prend une autre dimension. Je suis déjà assez étonné de voir à quel point le public connait ce morceau (quasi tout le monde a sagement gueulé « Knocked Loose Motherfucker! » au moment opportun) et l’énergie dégagée par le pit est également assez dingue. Entre la musique ultra agressive voire inquiétante de Knocked Loose et l’ambiance électrique, l’atmosphère générale du concert dégage une sorte de sentiment d’insécurité qui colle parfaitement à l’univers du groupe.
Fidèle à ses racines hardcore, le groupe donne tout sur scène et dégage une fougue à la hauteur de leurs sonorités, à l’image de Bryan Garris au chant et de Isaac Hale à la guitare. Le premier délivre ses lyrics sans concession alors que le second soupoudre les morceaux de ses courts mais puissant backing vocals qui sont généralement également repris par le public. Ce concert étant le premier de la tournée du groupe, on a le droit à une live premiere avec le nouveau morceau Blinding Light. C’est toujours sympa de se dire que nous sommes les premiers à pouvoir entendre une chanson mais le fait que personne ne la connaisse fait que l’ambiance baisse forcément un peu. On se rassure et on se défoule sur les classiques du groupe, Mistakes Like Fractures ou Oblivion’s Peak. Je trouve que les morceaux issus du premier album du groupe Laugh Tracks (2016) restent les plus efficaces, et ce n’est pas le désormais cultissime Counting Worms qui me fera dire l’inverse. Le show se termine sur un beau wall of death avec l’autre morceau issu des Upon Loss Singles, Everything is Quiet Now.
Le groupe a clairement su dépasser les frontières de la scène hardcore afin de toucher un public plus large et plus nombreux (metal / metalcore), ce qui leur permet de remplir une telle salle. Je pourrai comprendre que certains regrettent la dimension prise par le groupe qui les coupe de l’authenticité de la culture hardcore. On peut par exemple regretter qu’il y ait des barrières entre la scène et le public et donc qu’il n’y ait aucun stage dive sur la soirée, un comble pour un concert de hardcore. Mais de l’autre côté, le groupe reste fidèle à son style musical (ce qui reste le principal), ce qui met en lumière ce genre. Et de manière plus directe, inviter Headbussa en première partie est également une manière de maintenir un lien direct avec la scène hardcore et de promouvoir d’autres groupes. Bryan Garris rendra d’ailleurs de nombreux hommages à la scène hardcore parisienne tout au long de leur set. Ca fait toujours plaisir!
Dans une Elysée Montmartre chauffée à blanc, Knocked Loose a entamé sa tournée européenne avec un show ravageur. Malgré son changement de dimension, le groupe reste fidèle à sa musique et son esprit agressif et sans concession. Il ne manque plus qu’un nouvel album qui mette tout le monde d’accord pour asseoir l’autorité du groupe sur la scène hardcore mais également metal et metalcore, auxquelles le groupe s’adresse également.
