Deafheaven + CELESTE + Whispering Sons + Slow Crush @ Élysée Montmartre (30/09/2022)

Le 30 septembre dernier avait lieu la première soirée Frankenhooker, invitée par Voulez Vous Danser ? À l’Élysée Montmartre. Une date qui était définitivement à ne pas manquer.

Votre fiancée s’est-elle fait déchiquetée par une tondeuse à gazon ? Dieu merci, non.
Si tel avait été le cas, auriez-vous tout fait pour la ramener à la vie ? Et s’il suffisait d’assembler des morceaux de corps pour la rendre vivante à nouveau ?

Avant de commencer l’expérience, il faut évidemment y réfléchir, trouver des idées. Slow Crush initie cette pensée avec son set contemplatif et aérien. La voix de Isa Holliday, au chant, se fond dans les instruments. C’est un tourbillon de notes, de pensées, un beau rêve mélancolique. Entre tristesse et espoir, nous parcourons Hush, dernier album de la formation. Le groupe vit chaque titre de façon très intense, comme transcendés par leur musique, tandis que le public se laisse entraîner par ce songe éveillé. Certains se surprendront même à fermer les yeux pour davantage d’introspection. Il faut dire qu’il y a quelques chose bien au-delà de la matière dans leurs compositions, et cela nous donne un indice sur notre recherche : une création d’une beauté presque spirituelle et intense à la fois, hors de toutes conventions, pleine de liberté. Peut-être est-ce là la recette de la vie ?

Le processus créatif peut enfin être lancé. Nous avons l’idée, il faut désormais l’exécuter. Whispering Sons entrent sur scène avec leur musique lancinante. Le fait s’ouvrir sur Dead End devrait nous alerter, et pourtant nous fonçons tête baissée dans des danses transcendées, qui ne font que font que nous faire bouillir davantage s’impatience, comme sur Heat. Nous sommes bien ancrés dans le réel, dans nos corps, de plus en plus envahis par ces airs obsédants, qui s’invitent dans notre esprit comme pour en prendre le contrôle. Les idées prennent de plus en plus de place, il y a une forme d’urgence dans leur musique qui se surexpose à notre urgence de créer, à cette volonté de retrouver vie au plus vite. Nous avons donc un Tilt. C’est à partir de ces corps, dans ces corps, que resurgira la vie. Alors nous errons à travers ce monde qu’ils nous créent, pour se rapprocher d’autres âmes en perdition. Fenne Kuppens nous hypnotise de sa voix enivrante, tandis que la batterie de Sander Pelsmaekers nous assène de coups et que basse de Tuur Vandeborne, bien accentuée nous découpe doucement. La guitare de Kobe Lijnen nous porte jusqu’au laboratoire. Le set se termine sur Surgery, et tout est en place. Il est temps de nous y mettre.

 

CELESTE entre sur cette scène de crime. Armés de leurs lampes frontales, les musiciens entrent sur leur titre (A). Il n’y a plus d’issue possible à ce moment. Les derniers signes de vies s’échappent De tes yeux bleus perlés, la sentence est tombée. Mais il est hors de question pour eux de corps inertes, ils remuent cette fosse à l’aide de leurs instruments, il est temps de se réveiller, de reprendre conscience dans ce bain de sang, sans anesthésie. De leur scalpel musical, nous recevons Des torrents de coups. Leurs compositions sont incisives, précises, violentes. On en prend plein les oreilles, il n’y a aucun répit tant tout s’enchaîne à une vitesse folle. Si la douleur des titres est insoutenable, il est hors de question de s’arrêter en chemin. La vie doit exister au bout de face processus, et les créatures doivent naître. Ça ne peut être autrement, Il a tant rêvé d’elles. La formation nous façonne à l’aide de ses notes martelantes et précises. Ces chirurgiens de la musique offrent une prestation définitivement technique, rien ne dépasse. Il n’y a aucun doute, les âmes façonnées seront Nonchalantes de beauté. Nos corps amassés se meuvent tantôt à l’unisson, tantôt individuellement. Nos consciences se réveillent à mesure que les titres défilent, heurtées par des paroles fortes, qui se répète(nt) froidement.  Nos yeux sont réveillés par des visuels très graphiques, auxquels nous ne pouvons être insensibles. CELESTE dénonce la noirceur de ce monde, mais nos créatures encore jeunes de vie s’en imprègnent et se révèlent avoir Le cœur noir charbon. Il est dit que la créature est à l’image de son créateur, Comme des amants en reflet, et si dans la vie réelle, leur musique a quelque chose de très puissant et cathartique, nous sommes ici dans un film d’horreur des années 90, et cela ne peut malheureusement pas se passer comme prévu. Cette chute brutale est inévitable. Une créature pleine de noirceur, et des êtres humains jouants aux créateurs célestes, cela ne peut que donner naissance au chaos.

La créature est née. La vie est. Deafheaven entre en scène. Avec trois titre issus de leur dernier opus Infinite Granite. La paix semble avoir lieu. Shellstar, In Blur, Great Mass of Color, la vie semble désormais redevenue normale. Ces titres planants nous donnent un goût de liberté, de sérénité. Celle d’avoir pu retrouver l’être aimé, grâce à cette chirurgie, aussi gore fusse-t-elle. Mais cela ne semble pas entièrement normal. Quelque chose est en décalage. Le frontman, George Clarke, ne cesse de se trémousser, de manière presque gênante, comme s’il souhaitait remplir la part de mauvais goût du film, ou insister sur la critique du culte obsessionnel du corps. Ce décalage annonce une rupture dans ce calme apparent, marqué par Honeycomb, et Worthless Animal issues de Ordinary Corrupt Human Love, annonçant un tournant plus sombre à la suite de la setlist. Et de fait, nos individualités se réveillant, la fosse commence à exploser. Mais sommes nous vraiment maîtres de nos corps lorsque les morceaux nous meuvent ? Les mains sur chanteur au dessus des têtes, tel un marionnettiste, ne font que nous faire douter davantage. Une sorte de dualité s’installe dans la salle, entre obéissance et rébellion. Devons-nous nous résigner et accepter ce destin qui n’est pas totalement libre en suivant la lumière plus et aérienne proposée par la formation avec leur tournant plus shoegaze du dernier effort, ou devons nous embrasser notre noirceur pour se détacher de notre créateur, en continuant d’attendre des titres de Sunbather, New Bermuda ou OCHL ? Finalement, ce choix appartient a chacun. A chaque individualité de savoir ce qui nous fait nous sentir vraiment vivant. Mombasa, dernier titre avant le rappel, semble être le compromis entre les deux univers. Quoi qu’il en soit, les garçons ont su allier les deux univers en proposant une setlist qui aura permis à tous d’avoir son petit moment de paradis, hors du temps, avec au moins quelques titres correspondant à ce qui nous faisait vibrer. Nous avons tous pu trouver notre liberté, notre moment de plénitude, à travers les choix qui nous étaient proposés. Deafheaven s’est positionné ce soir comme une sorte de cartarsis, pour calmer les tournants. Finalement, peut-être que tout cela n’était pas si chaotique, car l’Élysée Montmartre a été en quelques sorte ce soir notre Dream House.

Ce soir, nous étions en effet des corps entassés et vivants. Des créatures explosives, libres, que rien, pas même notre créateur, n’aurait pu arrêter.

Photos par Garnet Angeldust et Amaury Beysson

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