Alpha Wolf et les différentes formes de violence : un essai

Après une date remarquée a la Maroquinerie en octobre dernier, Alpha Wolf s’est offert une tête d’affiche le 18 avril dernier au Glazart, pour un concert d’une violence indicible.

Les néo-Zélandais de Xile ont la lourde tache d’entamer la soirée. Le groupe de Hardcore est là pour se faire prier, voire supplier, et compte bien nous le faire savoir. Dès les premières notes de « Diamond Eyes », la formation se met à nous hurler dessus, et alors même que nous ne savons pas ce que nous avons fait pour mériter cette remontrance, nous en prenons plein la figure.
Le groupe continue de nous menacer, cette fois avec « Penalty Death », qui débute par un sample annonçant notre mort imminente. Et nous comprenons que ce n’est pas pour rire : le frontal retire son T-shirt pour ne pas le tâcher au moment de nous assener le coup de grâce. Heureusement, nous nous en sortons par un habile tour de passe-passe, en hurlant en retour les paroles de « I Am Your God », qui semble satisfaire le quintette, qui quitte la salle en nous laissant désemparés suite à cette agression que nous venons de subir.
Xile représente la violence verbale.

Cette prestation ne nous a pas laissés sans séquelles, et nous revoilà de retour à l’asile, tout juste trois mois après nous en être sortis. A peine les portes passées qu’on nous fourre un Diazepam dans le fond de la gorge. C’est parti, nous sombrons dans la folie Ten56. Les notes de « Saiko » puis de « Yenta », nos vieux démons, prennent toute la place dans nos têtes, comme des voix qu’on entend et dont on ne peut se débarrasser. « You think you can just fucking get rid of me?! You were born with me, and you’ll fucking die with me too, So just hold on tight, there’s no turning back now mate », nous sommes prévenus. Notre descente aux enfers se poursuit, nous nous débattons comme des aliénés dans leurs camisoles, nous nous projetons contre les barrières pour tenter de nous enfuir de ce lieu maudit. Mais le mal est entré par nos oreilles et a pris possession de notre esprit, de notre sanité. Alors nous secouons la tête tandis que les membres de l’équipe s’agitent pour observer les résultats de leurs expériences sur nous. Et là, un répit. « RLS » semble être notre billet de sortie. Malheureusement, le titre n’est là que pour engourdir notre douleurs quelques instants avant de reprendre de plus belle avec « Ender » et « Boy ». Le groupe chorégraphe ses riffs incisifs, nous nous demandons si cette danse macabre est une hallucination ou si nous sommes condamnés par ces chirurgiens du son. Ils nous font passer pour fous » Où le sommes nous ? Pas le temps de nous poser davantage de questions, « Kimo », comme une ultime lobotomie, afin d’oublier ce que nous venons de vivre.
Ten56 représente la violence psychologique.

Tabula rasa. Le vide, le néant dans notre esprit. Arrivent alors King810.
Nous découvrons nos cerveaux étalés sur l’asphalte (« brains on the asphalt »). C’est un nouveau début pour nous, mais aussi la fin, c’est l’Alpha et l’Omega de notre vie (« Alpha & Omega »). La brutalité des morceau de la formation déclenché nos idées les plus noires. Murder Murder Murder. Leurs musiques obsédantes nous possèdent. Le frontman se contorsionne, se griffe la peau, et nous donne envie de faire de même. Dans la fosse, on se met volontairement en danger en se plongeant dans le pit. Nous ferions tout pour faire taire cette voix dans notre tête « Are you scared motherfucker are you scared of the dark? ». Et ce groupe à l’énergie malsaine n’est pas là pour nous aider tant ils sont fascinants. Les gémissements et cris de douleur du frontman nous glacent le sang, et pourtant nous en voulons plus, parce qu’elle résonne en nous. Pourtant les paroles, d’une noirceur sans pareille, faisant écho à des crimes, à la violence et aux armes, ne semblent pas nous concerner, et malgré nous, nous les entendons et les vivons. Leurs morceaux sonnent comme une violence en nous, que nous rejetons par désaccord idéologiques, mais que nous embrassons à la fois pour la qualité musicale. Nous aimons cette violence, et la faisons notre. Nous imitons ce groupe qui se brise intérieurement, aux semble souffrir sur scène et se briser dans ses émotions. C’est douloureux, les instruments nous écrasent et le chant nous coupe au plus profond de nous, et pourtant nous aimons cette adrénaline et voulons que ça continue, comme si nous étions en transe. Nous essayons de sortir de cette violence en verbalisant mais « I try to explain it just drives me insane Because I become so overwhelmed » (« Killem All »). Il faut sortir d’ici d’urgence.
King810 représente la violence contre soi-même.

Nous sommes bouleverses par la performance de King810. Nous cherchons à nous refaire de cette violence contre nous-mêmes. C’est alors que Alpha Wolf entre en scène. Mais si la joie de ne pas nous sentir seuls, de voir ces visages souriants face à nous, semble nous rassurer, nous réalisons dès les premières notes de 60cm of Steel, que ce sont des loups dans la bergerie.
Ils ne sont pas là pour nous aider à nous en sortir, mais pour remplacer cette violence contre nous-mêmes en violence extérieure. Chaque note est une gifle monumentale. « Creep ». « Black Mamba ». Nous n’avons aucun répit. « Do I make you uncomfortable? Are you afraid? » Oui. Les australiens nous tiennent en otage. Constamment un pied au dessus de nos têtes, sur la barrière, nous savons que nous devons embrasser ce chaos pour survivre. Le pit est chaotique, nous nous battons pour nos vies, pour survivre. Nous augmentons toujours plus sur l’échelle de la violence avec le gang « Acid Romance » (et son sample d’arme à feu)/ »Sub-Zero »/ »Ultra-Violet Violence » qui prend part à cette bagarre de rue. Sur scène, les musiciens se déchaînent, et semblent prendre un malin plaisir à semer la terreur : ils dansent tandis que nous nous entretuons. Le Glazart est ensanglanté sur « Bleed 4 You », et il ne vaut mieux pas que qui que ce soit de moins de 18 ans assiste à cette scène (« Restricted (R18+) »), car les corps sont en morceaux et sont en train de se décomposer (« Rot In Pieces »). Mais alors que nous pensions ce massacre terminé, voilà qu’un « Watch the bodies drop Cut it off Off with the head » nous est hurlé dessus. C’est le summum de la décadence. Les corps volent dans tous les sens au dessus de nos têtes, tandis que les coups sont assénés sans répit dans le pit. La formation a retourné le Glazart. Personne n’en est sorti indemne, ni même vivant.
Alpha Wolf représente la violence physique.

Si Jean-Paul Sartre disait « La violence, sous quelque forme qu’elle se manifeste, est un échec », ce soir, elles auront toutes été des réussîtes.

Merci à Suden pour l’invitation.

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