Envy + Bossk @ Trabendo (20/10/2022)

« On ne lit pas, ni écrit de la poésie, parce que c’est joli. On lit et écrit de la poésie car on fait partie de l’humanité. Et l’humanité est faite de passion. ». Si cette phrase vous parle, alors bienvenue dans notre cercle de poésie. La première date avait lieu le 20 octobre dernier au Trabendo, en compagnie de Bossk et Envy.

Ce jour-là, il pleuvait sur nos cœurs comme il pleuvait sur la ville. Quoi de mieux qu’un peu de poésie pour guérir cette langueur automnale ?

Avant tout, avez-vous trouvé votre muse ? Voici deux cas d’école pour essayer de vous aiguiller.

Tout d’abord, il convient d’être dans un lieu confortable, en sécurité. Baissez les lumières. Et débute l’expérience.
Le premier cas étudié ce soir est présenté par Bossk. Ces derniers ouvrent la porte des esprits avec « Kobe ». Nous laissons l’inspiration venir à nous au rythme des doux arpèges aériens de ce début de set. Mais si « Kobe » semble être d’une grande délicatesse, inspirante, la poésie nous fait parfois voir le monde autrement. Lorsque le vocaliste entre en scène, sur la fin du titre, notre monde est chamboulé. L’écriture peut être douloureuse. La noirceur de son scream, les guitares tranchantes, viennent sectionner les pieds de nos vers bien ordonnés. Le frontman est pareil à ce « monstre qui porte sur son visage la noirceur de son âme  » (Baudelaire). Nous sommes à la croisée des univers, entre post-rock, post-core, stoner… Mais qui a dit que nous devions nous cantonner à un seul genre ? « The Reverie » vient à son tour adoucir les mœurs, avant de prendre de nouveaux risques avec des riffs plus stoners. Ce jeu entre lumière et obscurité est magnifique pour quiconque y est réceptif, et peut le comprendre. Il y a autant de poésies qu’il y a de sensibilités, et lorsque l’une d’entre elles vibre avec votre âme, là se trouve votre muse. Celle de Bossk se trouve davantage du côté du Sleen.

She
In The dark,
Found light
Brighter than many ever see.
She,
Within herself,
Found loveliness
Through the soul’s own mastery
And now the world receives
From her dower
The message of the strength
Of inner power
— Langston Hughes

Bossk n’est pas un groupe qui s’apprécie en lecture unique. Il faut apprivoiser leurs compositions, la musicalité de leur prose, pour entendre ce qu’il y a de brillant chez eux. Leur œuvre a quelque chose de très inspirant. Une force brute, capable de douceur. La qualité de leurs compositions ne peut être remise en cause, la pente glissante à la fin de « The Reverie », avant de proposer « Heliopause » tient du génie tant elle est habilement faite. Il y a de la lumière dans l’obscurité de leurs titres. Leur musique, bien que parfois lourde, étouffante, porte en elle la trace d’un espoir latent, un message de force. Les étoiles n’existeraient pas sans la nuit, et il en va de meme avec l’inspiration, selon Baudelaire : «  L’assombrissement du jour et le pointillement des étoiles ou des lanternes éclairent mon esprit ».

Our life is like
A thorny rose
Not perfect,
But always beautiful
— Kirston D. warfield

Pour autant, il est évident que leur univers, leur identité éparse puisse dérouter, et ne pas plaire à tout le monde. Leur musique n’est pas lisse, elle est écorchée vive, déstabilisante, mais elle a quelque chose de vrai, d’authentique, qu’on ne peut pas leur enlever. Leur performance n’était peut-être pas parfaite, mais elle était, et c’est le plus important. Les garçons ont offert ce qu’ils avaient, en exécutant parfaitement leurs morceaux. Leur approche assez unique de la musique, et le format peu conventionnel d’un chant très peu présent (puisque Sam Marsh, au chant, n’intervient que très peu) ne peut malheureusement pas parler à toutes les sensibilités, et cela se ressent un peu ce soir, avec un public peu réceptif, ce qui est dommage.

Mais si « C’est dans ses rêves que l’homme trouve la liberté, cela fut, est, et restera la vérité », Bossk a raison de continuer d’exercer leur liberté musicale et de poursuivre leurs rêves, car il est certain qu’ils ont permis de faire s’évader quelques esprits le temps d’un set.

 

Quelle sera votre rime ?

Des bruits de pas se font entendre au loin. Une lumière radieuse. La douceur des instruments. Footsteps in the Distance. C’est Envy. Notre second cas d’étude.
Contrairement à Bossk, eux se tournent plutôt du côté de l’Idéal pour trouver leur inspiration.

Tout autour de nous
Le monde n’est plus que
Fleurs de cerisier
— Ryôkan

L’atmosphère de la salle change – rassurante, enveloppante. La voix presque susurrée de Tetsuya vient s’ajouter à la luminosité des instruments. Positivité absolue, doux espoir. Des ailes nous pousseraient presque. Sentiment de liberté. Statement of freedom. Hurlements de douleur. Déchirants. Le pit se déchaîne, enivré par cette extrême liberté. Droit de vivre ses émotions, empreinte dans l’âme, faire semblant de se bousculer, regards échangés, solitude des sentiments dans son âme, épuisement des bousculades, déclaration de sa liberté, respect. Tout se vit intensément. Le chanteur est animé par ses textes. Le voir permet de le comprendre. Son âme est à nue, lisible. 

Ce matin sans doute
Une feuille solitaire
Tombée en silence
—Issa

…mais entendue ce soir. Si nous sommes des êtres distincts, le fil rouge du destin semble s’être enroulé autour de nous tous ce soir. Des âmes isolées, mais liées. Two isolated Souls. Sublime moment d’osmose entre le groupe et le public. Un dialogue des âmes. Si vous êtes curieux de leur échange, le cœur de leur dialogue se trouve à la fin de ce poème.

Espoir. Ensemble. Unité. La fosse est tourmentée – grondante, mais ne fait qu’une. Swaying Leaves and Scattering Breath. Un monde extérieur sans cœur, les nôtres croient encore. L’espoir reviendra si nous ne l’abandonnons pas. Un rêve porté ensemble, comme nous portons les slammeurs. La marée humaine de Zanshin. La passion ne disparaît pas. Des battements de cœur et des vagues charnelles. Des sourires las des larmes de tristesse. Brûler et effacer les ténèbres. Seimei. Nous voyons un nouveau jour. Un jour où nous avons jeté le passé.

J’ai le cœur chrysanthème
Ode à la vie
Au delà des mondes
— Aurélie Lemoine

Envy nous transporte dans son univers onirique. Un doux rêve empreint de poésie. Un autre monde. Avec Scene, le frontman nous promène dans ses abymes de conscience qui s’étendent à l’infini. Le cœur se rappelle du poids de la mélancolie, mais celui-ci est allégé.  Le ciel s’illumine en une pluie, chuchotant, tel la voix de Tetsuya. Une pluie de larmes – salvatrices. Hikari. La lumière arrive. Nous le savons, l’avenir est radieux. Envy nous le conte. Leurs paroles sont cathartiques, précieux. Farewell to Words donne le mot de la fin de ce doux rêve. 

Les instants de l’adieu
Au-delà du brouillard
Brouillard plus profond
— Mitsuhashi Takajo

Partage. Générosité. Le groupe nous gratifie de deux encore : « A Warm Room » puis « Go Mad and Mark ». La salle est comblée. Un présent que nous souhaiterions infini. C’est beau, grand, céleste. Tant de sagesse se dégage de ce groupe. Tant d’apprentissages sont à tirer de leurs paroles. La proximité physique due à la petite scène n’était rien comparé à la proximité de nos âmes ce soir. Ils nous ont parlé cœur à cœur. En toute transparence – à nu. La soirée est passée à une vitesse incroyable. En un éclair. Mais les enseignements à en tirer sont ceux d’une vie. 

Devant l’éclair –
Sublime est celui
Qui ne sait rien.
— Bashô

Nous sortons de cet instant poétique avec des yeux satisfaits, une sagesse satisfaite, des mots satisfaits. Dans l’espoir d’avoir un jour une époque satisfaite. Un monde satisfait. Empli de poésie. En vie.

明日を許した希望 無限の揺らぎ
(L’espoir pardonnant le futur a une influence infinie).

次の詩行を僕らは作るよ
(Nous écrirons la ligne suivante de notre poème)

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