Qu’on se le dise : même si quelqu’un venait à vivre en tant qu’hermite, il ne pourrait pas être passé à côté du phénomène Måneskin. Fiertée italienne depuis leur grande victoire à l’Eurovision 2021, il est impossible de ne pas avoir entendu ne serait-ce que le nom du groupe au moins une fois au cours des deux dernières années. Signé chez Sony leur troisième album RUSH ! est disponible depuis le 20 Janvier 2023 et ChairyourSound ne pouvait pas se passer d’offrir son propre point de vue sur l’album qui était parmi les plus attendus de ce début d’année.
L’album s’ouvre avec les rythmes de batterie d’Ethan. De toute évidence, une belle manière de nous permettre d’entrer dans l’univers crée par le groupe avec cet album grâce à la chanson OWN MY MIND. On reconnaît instantanément la patte du groupe, qu’il s’agisse de la voix bien atypique du chanteur ou cet aspect un peu catchy qui donne tout de suite envie de danser. De quoi laisser une bonne impression même si ce n’est que le début du voyage dans l’univers de Maneskin.
Le second morceau n’est pas si inconnu puisqu’il est sorti quelques jours avant l’album. GOSSIP en duo avec Tom Morello offre une saveur unique et le riff s’ancre très facilement dans l’esprit. Il s’avère entraînant, et on se prend tout de suite au jeu. Surtout qu’ici, les paroles sont fortes, puisqu’il s’agit d’une critique direct de l’industrie musicale et des mentalités d’outre atlantique, principalement du côté très « paillette » et « showbiz » présent dans les villes comme Los Angeles où l’apparence prime. « This place is a circus, you just see the surface. They cover shit under the rug. You can’t see they’re faking, you’ll never be naked. Just fill your drink with tonic gin, this is the american dream. » (Cet endroit est un cirque, tu ne vois que la surface. Ils couvrent la m***e sous le tapis. Tu peux pas voir qu’ils prétendent, tu ne seras jamais nu, rempli ton verre avec du gin tonic c’est le rêve américain.) On peut tout de suite sentir une certaine rancune quant au fait qu’un groupe qui flirt avec l’anti-conformisme se voit soit contraint de rentrer dans les cordes soit obligé de surjouer avec ce côté provocateur. Dans tout les cas, c’est un secret pour personne que le monde du showbiz offre des avantages mais aussi un nombre incalculable de contrainte, expliquant probablement ce morceau qui fait ressortir cette amertume quant à ce gain soudain de notoriété.
Si on se sent presque prit dans le tourbillon de l’album après seulement deux morceaux, tout se ralentit avec la chanson TIMEZONE. Balade entraînante qui souligne un autre aspect de cette notoriété dont le groupe doit faire face, les décalages horaires et la distance s’imposant avec les proches. On peut facilement supposer que Damiano dédie cette chanson à sa petite amie Giorgia Soleri avec qui il entretient une relation depuis quatre ans. Si à l’époque il n’était probablement pas contraint de voyager autant, autant dire que les choses ont dû énormément changer et que les discussions sont parfois difficiles à avoir – et pour être moi même quelqu’un qui change tout le temps de fuseau horaire, je ne peux que confirmer et surtout compatir !
Nouvelle chanson, nouvelle direction et celle-ci est à l’opposée totale de la précédente. Si TIMEZONE pourrait est douce, petite déclaration délicate d’amour, BLABLABLA est ce qu’on peut appeler une « revenge song ». « My mama told me that she never liked you, now my life sucks and the blame is on you. So fu-fu-fu-fu-fu-fuck you again. You got me angry and now I love Punk. I listen to the Smiths crying alone, so please, let me get what i want. […] You said I’m ugly and my band sucks but I just got a billion streaming song. » (Ma mère m’a dit qu’elle ne t’avait jamais aimé, maintenant ma vie craint et c’est de ta faute. Alors va te faire f*** encore une fois, tu m’as énervée et maintenant j’aime le Punk, j’écoute les Smiths en pleurant tout seul alors s’il te plait, laisse moi avoir ce que je veux […] Tu disais que j’étais moche et que mon groupe craignait, et bien je viens tout juste d’avoir une chanson avec un Million de Stream.) De toute évidence, on a pas spécialement envie de briser le cœur d’un des membres du groupe.
S’en suit ensuite la chanson BABY SAID qui fait encore changer le climat de l’album. Ici, on parle de relation mais pas de distance ou de rupture douloureuse : plutôt d’avis qui divergent. C’est un couple qui n’a pas les mêmes attentes en terme de relation, lui qui cherche à s’intéresser à une demoiselle qui elle ne veux qu’une relation physique. Chanson entraînante, difficile de ne pas avoir envie de danser quand on entends le rythme effreinée de la guitare.
Ce n’est un secret pour personne que la musique est un moyen d’expression, parfois même politique. Et le groupe n’est pas passé à côté de l’opportunité pour donner son propre avis et apporter son soutient aux conflits qui rongent actuellement l’Ukraine. La chanson GASOLINE est un hommage à ce peuple qui se veux actuellement dans une situation que personne ne peut imaginer vivre, basse présente et peut-être même pesante, ils ne font pas dans la demi-mesure, au contraire. « Sitting on a stolen throne, playing God with a heart of stone the whole world is waiting for you to go down. » (Assis sur un trône volé, jouant aux Dieux avec un cœur de pierre, le monde entier attend à ce que tu sois descendu.) Si pour certains, cette prise de position et la manière de l’exprimé n’est que futile, pour beaucoup il s’agit ici d’un message poignant : car beaucoup auraient pu choisir de garder les yeux fermés sur le conflit mais de toute évidence, pas Maneskin qui tenait à offrir le support comme eux savent le faire aux Ukrainien et on ne peut que saluer le geste.
La chanson FEEL s’enchaine et on part sur une atmosphère beaucoup plus légère. Ici, ça parle de relation sans lendemain entre deux concerts, ou du moins, c’est ce qu’on peut supposer. Mode de vie qu’on s’attend à voir de la Rockstar typique lorsque celle-ci est en tournée, consommation de substances illicites et chaque soir une nouvelle personne au bras. Morceau qui semble honnêtement plus ici pour combler les trous qu’autre chose mais qui a le mérite d’être tout aussi entraînant.
Si il y a bien un dessin qui se forme au sein de l’album, c’est une critique plus ou moins évidente du mode de vie actuel qu’est celui du groupe et la chanson DON’T WANNA SLEEP le souligne bien. Il expose notamment la dycotomie entre l’euphorie des moments uniques, évènements en tout genre et la solitude qui suit ceux-ci. Deux émotions très contradictoire qui d’ailleurs se sent très bien dans la musique, avec ces couplets au rythme répétitif qui pourrait presque nous faire suivre l’évolution d’une soirée et les refrains qui eux sont plus lent, permettant d’imaginer cet instant ou il est difficile de redescendre et de retrouver un rythme normal. C’est presque une illustration parfaite de la sensation qu’on peut éprouver en soirée quand on abuse un peu trop d’alcool ou de substance et que la redescente nous guête, plus violente à chaque secondes d’inhibition.
L’ovni de l’album se fait entendre, il s’agit notamment de KOOL KIDS qui est intéressante sur plusieurs aspects. Premièrement, on peut déjà ressentir les influences des groupes de punk d’antan, qu’il s’agisse notamment des sex pistols, et the clash et beaucoup d’autre avec un son totalement destructuré et une manière plus ou moins imprévisible dont la chanson évolue. On peut d’ailleurs entendre un accent forcé de la part de Damiano pour sonner totalement british. Pour l’anecdote intéressante, malgré être quelqu’un qui ne touche généralement pas à l’alcool, il a avoué être totalement bourré pendant l’enregistrement de celle-ci. Cependant, là où cette chanson est intéressante, c’est qu’il s’agit ici même du rock n roll que le groupe défend. Celui qu’ils clâment comme ne mourrant jamais et ils offrent ici un beau et vrai revival de celui avec lequel toute une génération a été bercée. Ce morceau semble ne pas du tout avoir sa place sur l’album et pourtant, après plusieurs écoute, il fait entièrement sens et honnêtement, c’est un des morceaux les plus entraînant, qui inspire cette énergie très punk qui leur sert d’inspiration.
Et l’atmosphère change encore du tout en tout avec la balade IF NOT FOR YOU. Chanson qui parle simplement de l’Amour au sens propre du terme, de cette personne qui donne cette envie d’se lever tout les matins et qui donne un sens à la vie. Celle-ci offre un aspect très intime, et c’est probablement dû au fait que la chanson a été enregistré en une seule prise. Damiano ayant avoué qu’il s’agissait de sa préférée de l’album, on peut encore supposée que celle-ci est aussi dédiée à sa petite amie.
S’en suit la chanson READ YOUR DIARY (et clairement ma préférée de l’album). Ici, on est loin de la balade romantique comme la chanson précédente puisque c’est d’un amour obsessionnel dont on parle et honnêtement, cette chanson aurait parfaitement sa place dans la bande originale de la série YOU. « Dance inside your shoes, read your diary to get inside of you. Forever and ever and ever. Cried on your nudes, wearing your perfume, now I taste like you. » (Danser dans tes chaussures, lire ton journal pour être à l’intérieur de toi. Pour toujours, et toujours, et toujours. Pleurer sur tes nues, porter ton parfum, maintenant j’ai le même goût que toi.) Un rythme entraînant, et une chanson qui personnellement, musicalement parlant fait littéralement vibrer mon âme.
Connaissez vous le nom de Mark Chapman ? Si la réponse est non, alors un peu de culture générale ne fera pas de mal. Il s’agit d’un américain tristement connu pour avoir assassiné John Lennon malgré le fait qu’il était un fan avec une admiration vraiment morbide pour les Beatles, principalement en la personne de John. Il estimait qu’il l’aidait à s’échapper de son quotidien et a épousé une japonaise dans le but de pouvoir avoir l’impression d’être similaire au couple Lennon-Ono. Puis bercé d’illusion et persuadé d’avoir été manipulé par la parole de John, il s’est mit en tête de l’abattre.
Le rapport avec l’album ? La chanson MARK CHAPMAN qui est, pour la première fois depuis le début de RUSH !, une chanson dans la langue natale du groupe, chose qui en ravit plus d’un. Ici, le groupe parle de l’aspect de la célébrité dont peu parle : les fans qui se dévouent de manière trop excessive à leur idole sans avoir les meilleurs intérêts en tête. « Si muove a piede libero, vestito come un incubo, vuole tu sia un pericolo, pero ti chiama idolo. » ( Il bouge librement, habillé tel un cauchemar, il veux que tu sois en danger mais t’appelle son idole.) Chanson forte en signification puisque le groupe est clairement amené à subir des comportements un peu déplacé de temps à autres venant de fans un peu trop intrusifs. C’est aussi excessivement plaisant d’avoir une chanson dans leur langue natale puisque pour l’instant, ils ne s’exprimaient que dans la langue de shakespeare. C’est cependant risqué pour les personnes plus sensibles aux paroles qui pourraient être amenés à décrocher à ce moment là : pourtant Måneskin s’est principalement fait connaître grâce à leur chanson Zitti e Buoni qui leur a valut la victoire de SanRemo et de l’Eurovision, donc au final, n’est-il pas légitime d’avoir le droit à quelques chansons dans cette langue ?
S’en suit une autre chanson qui, encore une fois, surpriiiiise, est en italien. Il s’agit de LA FINE. Pour les non-bilingue italiens (dont je fait partis, hihi) il faut forcément s’accrocher pour réellement comprendre le sens de la chanson, et heureusement pour nous, certains se sont chargés de traduire la chanson afin de pouvoir nous faciliter la tâche. Si celle-ci possède un rythme effreiné, peut-être trop, avec un flow qu’on ignorait encore à Damiano, on peut aussi entendre une certaine amertume dans la manière dont les mots sont prononcés, notamment soutenu par des « ah » qui reviennent en fin de phrase. Et pour cause ! Ici, les paroles soulignent les aléas suite au gain de notoriété après leur victoire à l’eurovision, la manière dont le monde a eu les yeux rivés sur eux et à faire des assomptions sur leur manière de se comporter, comme si ils s’attendaient volontairement au premier et moindre faux pas du groupe. (on se tous des accusations à tord envers Damiano pour une soi disant prise de cocaïne lors de l’Eurovision qui s’est avéré dementie suite à un test anti drogue.)
On peut sentir ici toutes les émotions négatives que le groupe a vis à vis de tout ça et cet aspect de leur carrière qui n’avait pas forcément été autant anticipé. Oui, ils parcourent le monde entier, oui ils vivent de leur art mais leur vie privée est exposée, les partenaires reçoivent une haine injustifiés, des commentaires totalement déplacée à leur encontre. L’aspect du succès qui n’avait pas nécessairement été anticipé les enfermant actuellement dans une prison dorée. Et il suffit de voir certaines interviews où ils paraissent parfois totalement épuisé et exaspérée, cherchant desespéremment à se battre pour garder leur intégriter quand le monde entier tente de leur dicter comment et quoi faire. « E vago come se fossi un pazzo, ah. Mordo ancora le mie manette, ho. Girato il mondo, ho visto gente, no. No è come lo immaginavo, io oh. » ( Je vagabonde comme un fou, je mords encore mes liens, j’ai voyagé à travers le monde, j’ai vu des gens mais c’est tout sauf comme je l’avais imaginé.) Autant dire que cette chanson est poignante mais reste aussi une de mes préférées de l’album.
La quatorzième chanson débute, et il s’agit ici de la troisième en italien. IL DONO DELLA VITTA, qui n’est pas à confondre avec Il Ballo della Vita, album du groupe sorti en 2018 (et si vous avez de bon yeux, accessoirement, le tatouage chest de Damiano). Bref cette chanson parle notamment de l’opposé total du mouvement slow living, philosophie de vie qui consiste à prendre son temps. C’est à dire par là qu’ils critiquent une société ou tout est rapide, trop rapide. On enchaîne sans prendre le temps de se poser et de réfléchir, juste en enchaînant quitte à y laisser notre santé mentale. Parole poignante et marquante, qui critique quelque chose actuel de la société dans laquelle nous vivons.
On repasse à l’anglais avec la chanson MAMMAMIA, chanson écrite en seulement quelques jours après la victoire à l’Eurovision et qui retrace d’ores et déjà les nombreuses anecdotes qu’ils ont dû vivre avec cette notoriété soudaine. Encore une fois, la controverse de la drogue refait surface principalement avec les paroles suivantes. « They wanna arrest me, but I was just having fun. I swear that I’m not drunk and I’m not taking drugs, they ask me why so hot ? Cause I’m Italiano ! » (Ils veulent m’arrêter mais je m’amusais juste, je jure que je ne suis pas saoul et que je ne prends pas de drogue. Ils me demandent : Pourquoi t’es aussi chaud ? Parce que je suis italien ! » Pourtant, le groupe a simplement avoué qu’il s’agissait ici de quelque chose qui était sans prise de tête, avec lequel ils voulaient juste s’amuser et l’effet est réussie puisque le clip est juste le groupe qui blame Damiano de simplement respirer – au sens figuré du terme, mais j’aime bien dire ça comme ça.
Autre single connu du groupe, SUPERMODEL, reconnaissable par le son des guitares saturées, raisonne enfin. Inspirée des choses et du mode de vie superficiel qu’ils ont pu voir lors de leurs nombreuses aventures sur Los Angeles, le groupe blaguait même quant au fait qu’elle avait été inspirée d’une mésaventure arrivée un soir alors que le chanteur, Damiano, qui ne sort jamais s’est finalement retrouvé embarqué par les membres de son groupe dans une soirée au sein de la cité des anges et qu’une femme totalement bourré s’est simplement incrusté avec eux au point de les suivre jusque dans les toilettes. Cette chanson représente absolument tout ce que le groupe critique à l’industrie, l’obsession de se faire remarquer et ce besoin de briller sans oublier les fausses personnalités qui sont visible dans une telle industrie. Ce morceau est probablement le meilleur moyen de résumé RUSH !
Ce qui change dans le schéma qu’emprunte Maneskin avec leur album, c’est que à contrario de presque tout les albums que j’ai personnellement chroniqué, ici, les singles connus sont tous en fin d’album. THE LONELIEST étant probablement le morceau le plus connu de cet album, il est assez surprenant de l’y trouver en cloture. Pourtant, outre que pour le fait qu’en vue des paroles, c’est absolument l’endroit parfait pour l’y placer : « I’m sorry, but I gotta go. If you’ll ever miss me, give this song another go. » (Je suis désolé, mais je dois y aller. Si je te manque, laisse une autre chance à cette chanson.)
Si il y a bien une chose qu’on peut aussi notifier dans cette chanson, c’est la notion de sacrifice, qui est d’ailleurs bien exprimée par le clip. Le fait que parfois, les choix que nous faisons dans la vie sont malgré nous, ou pour nos meilleurs intérêts : ça ne les rends pas forcément moins douloureux. Devoir dire au revoir malgré soi, soit par choix, soit en vue des aléas de la vie.
Dans tout les cas, clôturer cet album avec cette chanson est une idée de génie.
Et voilà.
Une heure et dix sept chansons plus tard on arrive enfin à terme de l’album RUSH !
Et que dire ?
Une œuvre d’art, clairement. Le groupe ne fait absolument pas dans la demi mesure. Mélange de toutes leurs diverses influences, cet album est une réussite. On retrouve bien leur patte, ce qui fait leur identité propre en tant que groupe et qui explique pourquoi tout le monde les adores. Perso, c’que j’aime avec le groupe c’est qu’il me donne l’impression de redécouvrir le Rock d’antan, celui qu’on fait plus, à la sauce moderne, et rien qu’pour ça, je ne peux que dire que l’impatience face à la sortie de cet album est totalement justifiée.
TRACKLIST.
01. OWN MY MIND.
02. GOSSIP (ft. TOM MORELLO)
03. TIMEZONE
04. BLA BLA BLA.
05. BABY SAID
06. GASOLINE
07. FEEL
08. DON’T WANNA SLEEP
09. KOOL KIDS
10. IF NOT FOR YOU
11. READ YOUR DIARY
12. MARK CHAPMAN
13. LA FINE
14. IL DONO DELLA VITA
15. MAMMAMIA
16. SUPERMODEL
17. THE LONELIEST