Giirls + Fragile Figures + Lost in Kiev @ Petit Bain (23/11/2022)

Nous avions rendez-vous le 23 novembre dernier pour une balade à bord du bateau de Petit Bain.

La promenade débute avec le set de Giirls. Seul sur scène, le DJ nous projette dans un footing nocturne sur les bords de Seine. Au rythme des notes de Control, nous pouvons entendre nos pas sur les pavés, et notre souffle chaud se heurter à la fraîcheur extérieure. Les lumières de la ville se reflètent sur l’eau ondulante, oscillantes, et nous hypnotisent durant notre écoute, presque paralysés (Paralyzed). On déconnecte le temps de quelques morceaux. L’artiste nous conduit dans une réalité lointaine, celle d’un monde qui n’avance pas au même rythme que nous. Et de fait, les compositions de ce soir comportent une forme d’urgence, de dépassement de cette routine citadine. Nous pouvons à présent sentir un besoin de prendre notre envol et de contempler cette vie grouillante de plus haut. Comme des chauves-souris qui survoleraient calmement la ville de nuit. Ce soir, Giirls aura été cette chauve-souris, qui a donné envie aux passants, aux coureurs, que nous étions de nous arrêter et de contempler la richesse de ses sons enivrants et des lumières agitées de la ville (et de la scène).

Nous sommes rejoints dans cette contemplation par Fragile Figures. Nous passons de un à deux musiciens. Après une brève présentation, les garçons nous prennent par la main pour nous entraîner sur les sentiers d’une forêt en pleine nuit. Nos pieds courent à leur suite, nous sentons notre pouls, nos pulsations s’accélérer, notre cœur raisonner dans nos oreilles. Les artistes nous font vivre une expérience intense, transportante, quasiment organique. La basse lourde prend aux tripes, tandis que la guitare entêtante nous fait tourbillonner les pensées. Leur musique est très intime et personnelle, tout en étant un peu inquiétante. Tout comme une promenade forestière en pleine nuit, nous y retrouvons un certain calme propice à la réflexion, tout en pouvant être inquiétés par instants. Nous ne sommes pas entièrement sereins, et pourtant nous nous sentons en sécurité. Cette ambivalence, cette tension se retrouve dans le jeu des musiciens qui se font face comme s’ils se défiaient, et qui pourtant produisent ensemble un son complémentaire et intense. Fragile Figures nous a donc offert un set particulièrement intime et introspectif, comme si celui-ci était codé dans notre sang (Coded in Your Blood).

Nous errons dans la salle lorsque nous nous rendons compte que nous ne sommes pas seuls. La salle s’est remplie à grande vitesse. Nous ne sommes pas les seuls à avoir vécu cette expérience. Nous allons marcher ensemble. Mais où ? Après la grande ville, après la forêt, notre périple nous conduit à nous perdre dans Kiev. N’oublions pas que nous avons été transportés dans une réalité parallèle. Ici s’opère une rupture entre le réel et l’imaginaire. Loin de la noirceur de la réalité, nous y découvrons ici des musiciens armés de douceur, qui semblent repeindre la ville de couleurs pastels. Les artistes nous rassurent avec des sons familiers : nous retrouvons d’anciens titres joués, connus, et cela apaise ceux qui auraient besoin de repères alors même que nous nous sommes perdus. Puis, de ces fondations, les garçons commencent à bâtir un futur plus radieux, en proposant les nouvelles lignes de leur carrière : Rupture, donc c’est ce soir là Release Party. Ils nous montrent qu’une autre fin est possible à cette tragédie. En effet, le quatuor propose des compositions positives, subtiles, élégantes et lumineuses qui ne peuvent que réchauffer les cœurs. Ainsi, durant leur court set, le groupe illumine les oreilles d’un public subjugué. La dynamique et l’énergie qui se dégage de leur performance donne envie de les suivre, et donne de la force, ainsi que de l’espoir en un avenir radieux. Peut-être que sortir de la prison de notre esprit était la solution, ne plus tourner en rond mais plutôt de Squaring the Circle. La dichotomie entre l’extérieur avec Giirls et l’intériorité de Fragile Figures nous aura mené à ce sublime final qu’est Lost in Kiev : travailler sur son intériorité pour rendre l’extérieur plus beau, faire profiter le monde de sa lumière intérieure. C’est ça, l’expérience de cette release party. Et sans doute que si plus de monde prenait le temps de se perdre à un concert de Lost on Kiev, Kiev serait aujourd’hui placée sous le signe de la beauté plutôt que de l’horreur.

Latest articles

Related articles

Leave a reply

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici