Entretien : Pierrick Valence & Justine Galmiche – Skáld

Profitant de la présence à Paris de Skáld, Victor est allé discuter avec Pierrick et Justine de la sortie prochaine de leur deuxième album « Vickings Memories » prévu le 9 Octobre chez Decca Records / Universal Music

 

Chairyoursound: Bonjour à tous les deux! Pourriez-vous commencer par présenter le projet, pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas ?

 

Pierrick : Alors, on s’appelle SKALD, on est un groupe qui s’est formé en 2018. On a sorti un premier album : « Le Chant des Vikings » et comme le titre l’indique, on fait de la musique nordique fantasmée, qui parle de mythologie viking, nordique. On n’est pas un groupe de métal, on n’utile que des instruments anciens : des percutions, des vielles, des lyres . On compose et développe un univers assez atypique. Le plus simple, si vous ne connaissez pas, c’est d’aller écouter !

 

Justine : Pierrick a un timbre plutôt grave et guttural et je reste dans tout ce qui est aigu et vocalise.

 

Chairyoursound: D’où est venue l’idée de faire ce genre-là, d’explorer le côté nordique ?

 

Pierrick : On est passionné par cet univers depuis toujours, on a un réel intérêt pour le passé, on est passionné par le moyen-âge, l’histoire.

 

Justine : L’ésotérisme, la spiritualité.

 

Pierrick : Donc on aime les choses mystérieuses et on va s’abreuver de musiques traditionnelles assez inconnues, d’instruments peu connus. On va aller chercher des luthiers qui fabriquent des instruments hybrides, traditionnels, anciens, oubliés. Et après on va s’intéresser à la musique qui est jouer sur ces instruments-là. C’est un travail qui se fait depuis des années et grâce aux séries comme Vikings, Game Of Thrones etc… on a pu enfin trouver une boite de production qui était intéressée pour développer ce genre de trucs. On a eu beaucoup de chance de voir tout ce travail, qu’on effectue depuis des années, se concrétiser à travers SKALD.

 

Chairyoursound: Et du coup, vous avez décidé de chanter en vieux norois. C’était la suite logique de se dire «  on fait de la musique imprégnée de toute cette culture là », alors autant aller à fond ?

 

Pierrick : Oui, c’est ça. Parce que le vieux norois, c’est comme un instrument, en fait. Le fait d’utiliser ces sonorités-là, ces phonèmes, ces métriques, qui se trouvent dans la langue, font que ça apporte une musicalité différente que si on chantait en anglais ou en français, par exemple. On a une immersion totale dans l’évocation de l’univers, c’est à dire que tu vas entendre une langue qui est certes morte, mais qui utilise des mots, des tournures propre à l’époque.

 

Chairyoursound: Concernant votre premier album : « Le Chant des Vikings » quels ont été les retours suivant sa sortie ?

 

Pierrick : Les retours ont été fantastiques.

 

Justine : On était surpris de voir l’engouement, de voir que ça fonctionnait vraiment, car c’était un gros pari de se lancer la-dedans. De chanter en vieux norois et d’apporter cette musique-là, qui est complètement inconnue du grand public. Et pourtant ça a matché avec les gens, de tout âge et tout horizon.

 

Pierrick : On savait qu’il y avait des gens qui s’intéressaient à cet univers et que c’était le moment pour faire ça, même si on n’a pas attendu tout ce temps pour travailler dessus. Mais on est français, on chante en vieux norois, on utilise des instruments que personne ne connait, sur le papier c’était mal barré, clairement et les retours ont été fantastiques. On n’en revient toujours pas.

 

Chairyoursound: Par la suite vous êtes partis en tournée, donc vous avez fait La Cigale, une tournée en France et le Hellfest. Qu’est-ce que vous retenez de cette tournée ?

 

Pierrick: On est allé en Russie aussi, au Portugal, en Suisse, en Allemagne… on a fait beaucoup de choses.

 

Justine : Ce que je retiens, c’est qu’il y avait beaucoup de monde. Je ne pensais pas.

 

Pierrick : Quand on a joué au Hellfest, c’était dingue, parce que la temple était remplie et ça allait au-delà. On voyait les gens s’agglutiner au-delà des écrans et du chapiteau. C’était juste magique parce qu’on ne s’attendait pas à ce qu’il y ait autant de gens au Hellfest qui se laisse happer par ça.

 

Justine: Et autant d’amour, aussi, je parle principalement de la Russie ou les gens étaient à fond. On ne nous connait pas, je veux dire : on est français, on sort de nulle part et là, en Russie…

 

Pierrick : on a l’impression d’être les Beatles, c’était incroyable.

 

Chairyoursound: Alors, j’ai l’impression que c’est le cas pour beaucoup de groupe quand ils arrivent en Russie, ils disent souvent que le public est dingue.

 

Justine : Oui, c’est chaleureux. C’en est même inquiétant, en fait, puisque tu te dis qu’ils sont tous en train de s’agglutiner devant toi et tu es là « bon… »

 

Chairyoursound: Là, vous sortez votre nouvel album « Vikings Memories » Comment s’est passé la création de ce 2e album?

 

Pierrick : On travaille avec Christophe Voisin-Boisvinet qui fait parti de SKALD, qu’on ne voit pas sur les photos, mais c’est un membre.

 

Justine : C’est l’homme de l’ombre.

 

Pierrick : Il écrit quasiment tous les titres. J’écris aussi, mais on compose chacun dans notre grotte et ensuite, on se retrouve et on met ça à l’oeuvre en studio. Entre temps, on a eu ce COVID qui nous a enfermé, on s’est retrouvé emprisonné comme tout le monde et ça a un peu cassé la fougue qu’on avait. Le fait qu’on soit confiné, qu’on se retrouve dans une situation comme ça, dans l’adversité, c’est là qu’on donne le meilleur de nous même. Donc on a rebondi et on a travaillé ensemble en s’envoyant des pistes par internet. On a même produit des titres qu’on a sorti, comme beaucoup de monde, pendant le confinement. Mais là, on a fait des trucs sympas et ça a bien marché, donc ça nous a boosté à fond.

 

Justine : Avoir eu la chance d’enregistrer en Bretagne, juste après le confinement, ça nous a donné un élan incroyable et une énorme bouffée d’inspiration, aussi, parce que le cadre y était. Tout était rassemblé pour qu’on y soit.

 

Pierrick : Le thème de l’album, c’est la mer et on s’est retrouvé en bord de mer, dans un super studio. Et après avoir été en prison pendant deux mois, il y a eu cette énergie, cette envie de vivre, de liberté qui s’est vraiment répandue dans le studio et on a mis tout ça dedans. L’album colle à fond à la tragédie qu’on vit aujourd’hui : cette peur de fin de cycle, cette peur de monter des eaux, de civilisations englouties, de fin, de Ragnarök.

 

Justine: Des changements climatiques, de la surconsommation, etc.

 

Pierrick : On parle vraiment de tout ça et c’était antérieur au COVID. On était déjà dans cet état d’urgent et la COVID nous tombe dessus et accentue encore plus la chose.

 

Justine : Cet album véhicule un truc et représente un truc, l’intention qu’on a mis dedans. Ça se retrouve dans nos voix aussi je pense. On sent cette urgence.

 

Chairyoursound: Ça veut dire que l’enregistrement a été assez rapide ? Parce que fin de confinement, vous sortez l’album début octobre, c’est de l’express.

 

Pierrick : On travaille comme des fous.

 

Justine : C’est pour ça que pouvoir sortir du studio et avoir la mer pas loin, c’était très agréable.

 

Chairyoursound: Vous utilisez des instruments disparus-réapparus : comment vous choisissez ses instruments et comment vous les utiliser. Comment ça se présente pour faire entendre aux gens ce genre d’instruments avec un son particulier ?

 

Pierrick : Alors , c’est une question intéressante, mais c’est difficile d’y répondre de façon simple et courte. En gros, il y a des sonorités qui évoquent inconsciemment des époques et des endroits. Si je te fais écouter tel type de vielles, tu vas me dire « c’est plutôt méditerranéen » ou ça va t’évoquer des sonorités arabesques etc. Il y a un type d’instruments qui existe et qui définie bien l’esprit nordique.

 

Justine: un peu plus brute, un peu plus rêche.

 

Pierrick : À partir de là, tu compose et tu les utilises. Tu crées ton orchestration en fonction de ce qu’on a besoin en terme de fréquence : il faut du médium, il faut des aigües. Il faut que ces instruments-là, suivant les thèmes abordés, évoquent des thèmes plutôt aquatiques que terrestres, sonnent de telles manières. Il y a plein de chose à utiliser et on va y penser, en fonction du texte, du mode, de l’image qu’on veut projeter.

 

Justine : C’est très cinématographique comme album. Pour chaque musique, chaque paysage arrive et l’intention arrive aussi. Il y a plein de chose différentes : du doux, du guerrier etc.

 

Pierrick: C’est comme une musique de film, il y a une scène à illustrer de façon sonore et tu sais qu’il faut piocher dans tels instruments pour parvenir à évoquer ce que tu veux.

 

 Chairyoursound: J’ai lu que vous aviez fait crée votre instrument ?

 

Pierrick : La SKALD Harpa, oui. Tu vois, à un moment donné il y a des instruments qui auront ces sonorités très spécifiques, mais qui sont limités dans leur tessiture et dans le vocabulaire que tu peux en tirer. Quand tu as envie de faire parler ces instruments avec une étendue plus large, avoir plus de liberté, en fait. Il a fallu qu’on trouve un système, pour avoir ce son là mais avec une plus grande amplitude, une plus grande palette de notes, quoi. Donc on a crée cet instrument.

 

Chairyoursound: Commet se déroule le passage entre les chansons sur CD et les chansons sur scène ?

 

Pierrick : Il faut, si on voulait vraiment reproduire tout ce que l’on entend sur le disque, avec que des instrumentistes, il faudrait qu’on soit une vingtaine sur scène. Comme c’est pas possible, on sélectionne les instruments qui vont être jouer, on sélectionne certains trucs dont on ne peut pas se passer et après, Christophe utilise des machines pour faire un travail d’orchestration sur scène. Comme tous les groupes comme ça, on tire les instruments les plus forts et on se passe de pas mal de trucs, mais on a des projet de percutions énormes. On est en train de travailler la-dessus, voir si c’est possible.

 

Justine : On a aussi adapter cette album pour que justement, il soit plus pratique sur scène, par rapport au 1e, c’est un peu plus épuré.

 

Chairyoursound: Quels sont vos projets avec cette album, pour 2021, alors ?

 

Pierrick : Les projets ça serait de faire toujours un maximum de concerts, et puis on a des idées aussi de livestream, d’autres supports, de lieux qu’on voudrait visiter pour jouer. Maintenant rien n’est sur, on a deux dates validées pour avril 2021 et l’été, les festivals, mais entre temps, qu’est-ce qu’il va se passer?

 

Chairyoursound: Vous étiez prévu sur le festival des Motocultor 2020, reporté à 2021, du coup. Sur la journée Pagan, qu’est-ce que vous attendez de ce festival, sur cette journée là ?

 

Pierrick: C’est particulier, parce que ça fait parti des festivals qu’on devait faire cette année et qu’on fera l’année prochaine, donc on ne sait pas à quoi s’attendre. On s’imagine que ça va être grandiose. Je n’ai pas trop envie d’y penser, parce que je n’ai pas envie d’être déçu, si ça se fait, ça va être énorme ou alors, au contraire, éprouvant, parce qu’il y aura plein de restrictions ou d’interdits. Est-ce que ça va se passer avec des distanciations ? Est-ce qu’ils vont trouver des compromis pour que ça se fasse quand même ? On sait pas, tu vois. Si tout va bien, on sera libéré d’un truc, ça sera l’orgie.

 

Justine : Tout le monde va se faire des bisous, des câlins.

 

Chairyoursound: C’est une journée vraiment centrée sur des musiques qu’on a moins l’habitude d’entendre. C’est intéressant de mettre en avant ce genre là ?

 

Pierrick: On a quand même l’habitude de ce genre de truc-là, en fait. Quand on a joué aux arènes en Suisse, c’était une journée où il n’y avait que des groupes comme nous. Quand on a été joué au Wacken, il n’y avait que des groupes vikings comme ça aussi. C’est vraiment une grosse scène. Donc ça va au delà du genre, c’est juste le fait d’être sur scène et de voir des gens dans le public et de se dire qu’on est sorti d’une période. J’ose espérer quand on fera le Motocultor l’année prochaine, que ce sera vraiment une libération.

 

Justine : Que 2020 ne sera qu’un mauvais souvenir.

 

Pierrick : Et que tu coup, tout ça soit vraiment derrière et qu’il se passe un truc de ouf, une communion de ouf avec les gens, qu’on fasse du métal ou du pagan, peu importe, c’est vraiment le plaisir de se retrouver et ça va être fort. De partager un truc inédit.

 

Chairyoursound: De revoir de la musique en Live, déjà.

 

Pierrick : Je crois que dans l’histoire de la musique, on n’a jamais vu, on n’a jamais connu ça. C’est vraiment inédit, donc je pense que ça va être fort.

 

Chairyoursound: Justement , avec votre musique et les autres groupes qu’il y aurait autour, quelle vision vous avez de cette scène pagan, folk, aujourd’hui ?

 

Pierrick: Je sais pas trop.

 

Justine : Déjà, est-ce qu’on se considère comme faisant vraiment parti d’une scène ? Je pense que notre musique n’a rien a voir avec les groupes qui existent déjà dans ce milieu là, je pense qu’on ne peux pas comparer. On a un format qui est très chanson, on n’est pas quelque chose qui est dronique ou chamanique, vraiment dans le sens pure du terme et je pense qu’on ne peut pas se comparer.

 

Pierrick : Je comprends ce que tu veux dire, dans le sens ou chaque groupe a un son et un univers, mais on fait tous parti de cette grande scène.Il y a des groupes qui sonne Tray, qui sonnent folk, qui sonnent plutôt médiéval, avec beaucoup de cornemuses. Les Corvux Corax qui ont leur truc à eux. Je pense que c’est une scène qui est très riche et qui continue de grossir.

 

Justine : C’est comme dans le métal, en fait. Il y a tellement de sous-genre. C’est un ensemble.

 

Pierrick : J’ai pas plus d’avis sur cette scène là, en fait. Elle est très vivante et ça c’est chouette. Je pense que le fait que de plus en plus de groupe se tourne vers cette scène n’est peut-être pas forcément une bonne chose, dans le sens ou ça demande une maitrise, rien qu’au niveau des instruments. On ne tirera rien de bon a mettre une vidéo de vielle sur youtube au bout d’une semaine, ça prend du temps. Souvent, on pense que comme l’instrument est primitif, alors ça va être vite vu? Ça sonne primitif, alors que non. Mais il y a plein d’autres choses et j’en suis très content. Je dis merci aux grosses boîte de production qui font dans l’historique, de mettre la lumière sur ce genre, il y a de plus en plus de gens qui se mettent à en écouter et qui n’auraient jamais découvert des groupes comme ça sans.

 

Chairyoursound: Ces séries, ces films, ont peut-être montrées aussi autre chose que le côté violents des vikings, trop exploité, et mis en avant le côté spirituel, le rapport à la nature.

 

Pierrick : Et le côté humain, surtout. C’est pas juste une bande de tarés qui déboulent avec leur casques à pointe et qui massacrent tout le monde.

 

Justine : dans cet album là, on fait vraiment référence à ça, aussi. Au fait de se rapprocher de la nature, de revenir à des valeurs ancestrales et davantage écouter ce qui nous entoure plutôt que d’être connecté en permanence et consommer autrement.

 

Chairyoursound: Revenir à des choses plus simple.

 

Justine : Exactement!

 

Chairyoursoud: Merci à vous deux pour vos réponses

 

Pierrick: Merci à toi !

 

Justine: Merci beaucoup!

 

Merci à Justine et Pierrick pour leur disponibilité et leurs réponses! Merci à Elodie pour l’opportunité et à Universal Music Records / Decca Records pour l’accueil.

Un grand merci à Lilly pour son aide pour la retranscription de cet entretien!

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