Après 5 (longues) années, Kraftklub sont de retour pour présenter leur nouvel album. Que ce fût long cette attente ! On a néanmoins eu la chance d’avoir entre temps l’album solo de Felix (chant) intitulé KIOX qui est, soyons franc, une réelle pépite que je ne cesse d’écouter. Alors ce quatrième album, que vaut-il ? Va-t-il permettre de faire re-trembler les villes allemandes dans lesquelles ils passent tellement le public saute ? (Pour la petite histoire, en 2015, ils avaient réussi à déclencher un mini tremblement de terre lors d’un de leur concert à Chemnitz! Source).
Il y a 10 ans, sortait le tout premier album de la formation, intitulé Mit K. Une décennie de concert dans toute l’Allemagne, en Europe, en Amérique du Sud… Que se passe-t-il dans la tête du groupe ? Dans « Teil Dieser Band », Felix vient questionner la gloire qu’il connait. Il dit lui même : Je ne sais pas jouer d’instrument, je n’ai pas fait d’étude prestigieuse, je ne fais que crier dans mon micro et faire sauter le public pendant le refrain. Le clip est peuplé de photos/vidéos de cette décennie.
On reste dans la nostalgie des débuts du groupe. Période qui correspond également aux premiers amours des membres du groupe, « Ein Song Reicht » vient décrire toutes ces chansons qui nous font penser au passé. « Mike Skinner, Kate Nash, Lykke Li, Tame Impala, The Killers, Florence + the Machine », vous avez forcément des associations de musiques/artistes avec un évènement, un sentiment, une personne… Ce refrain, qui va vous rester en tête très longtemps est extrêmement dansant et nous donne la pêche. Pour l’avoir déjà vu en live lors du concert de (Félix) Kummer à Berlin, il y a quelques jours, je peux vous dire que ce morceau fait bouger la foule ! On s’éclate comme des fous, on retrouve ce que le groupe sait faire de mieux, le morceau est le meilleur choix de single pour annoncer le grand retour du groupe.
« Wittenberg Is Nicht Paris » vient comparer la vie dans une ville à la mode, et riche telle que Paris, à celle dans les petites villes Allemandes telle que Wittenberg. Et le choix de Wittenberg n’a pas été fait au hasard. Il y a quelques années, des groupes de néo-nazi avaient fait des séances de tirs dans la foret de Wittenberg, événement connu par la police locale, qui a eu lieu à la grande stupéfaction de la population. Ce morceau vient critiquer la position des habitants de ces petites villes pauvres, contrainte de vivre face à l’extrème droite très importante dans ces zones, qui rêve de partir dans les zones riches, mais se retrouvent face à tant de portes fermés. Le clip alterne entre un arrêt de bus en mauvais état, et un restaurant Parisien. Malgré la thématique, le titre est très dansant comme à son habitude. Les sonorités se rapprochent très fortement de ce que l’on retrouvait sur l’album In Schwarz.
Featuring improbable ? Quoi que, on rêvait de voir ça, et ils l’ont fait. Tokio Hotel rejoignent Kraftklub sur le titre « Fahr Mit Mir (4×4) ». Conduire pour s’enfuir d’un endroit trop conservateur, le choix de Tokio Hotel n’est pas anodin quand on sait que les deux frères sont parti vivre à Los Angeles et ont quitté Magdebourg. Le titre est pop, la guitare de Steffen vient apporter le rythme du morceau avec l’addition du synthétiseur.
On enchaine avec le titre très dansant « Blaues Licht », puis le deuxième featuring de cet album : la chanteuse Mia Morgan. Avec ce titre « Kein Gott, kein Staat, nur Du », on retrouve des sonorités très pop rock typique des artistes américains. Le titre, à la limite de la chanson d’amour, vient écraser toute pensée religieuse avec ce refrain « Je n’ai pas besoin d’un livre qui me dise ce qui est juste, Je ne crois en rien, Sauf en toi et moi ». La voix de Mia s’associe parfaitement bien à celle de Félix . « Angst » vient décrire la colère des populations, tous ces sujets qui entrainent des révoltes dans les rues : l’anti-faschisme, l’identité de genre, le climat, la guerre dans les pays du proche Orient… Les populations ont peur, et la répétition de la phrase « Hast du Angst » [As-tu peur] tout au long du morceau fait monter un sentiment d’angoisse. Avec une rythmique et des sonorités rappelant la musique du film Matrix, la composition fait un très beau lien avec l’envie de voir le monde changer.
Le 4 septembre 1989 à Leipzig en Allemagne, un événement allait changer durablement le cours de l’Histoire. Comme tous les lundis depuis des années, une prière pour la paix a lieu dans l’église Saint Nicolas de la ville. Mais ce 4 septembre, un millier de personnes décident d’aller manifester à la sortie de la prière. Ces opposants au régime communiste déploient une banderole et demandent l’ouverture des frontières du pays et la liberté de voyager. Cela a été un des éléments déclencheurs des manifestations pacifistes qui ont eu lieu jusqu’à la chute du mur de Berlin deux mois plus tard. Le morceau « Vierter September » commence par la voix de Félix, dans la foule disant « Sans blague, cela signifie beaucoup pour nous que vous soyez tous là. Bienvenue à Chemnitz ». Kraftklub sont connus pour avoir notamment organiser des concerts dans Chemnitz pendant les rassemblements fascistes afin de faire un maximum de bruit et cacher le bruit des microphones de leurs opposants. Tous ces rassemblements, tous ces applaudissements, c’est beau, mais que reste-t-il lorsque la population est rentrée chez elle ? Ce questionnement est le thème de cette chanson. La batterie de Max et la guitare de Karl sont parfaite pour ce titre !
Enfin une chanson de la fratrie Kummer avec le dernier featuring de l’album, et les deux sœurettes du groupe Blond. Sur le titre « So Schön », la famille Kummer vient questionner les diktats de la beauté. Après cette chanson où l’on a envie de se déhancher, changement d’ambiance avec « Der Zeit bist du egal » qui débute sur des sonorités qui plonge dans une ambiance intrigante, jusqu’au décollage très rock sur le refrain. La chanson vient se moquer de toutes ces personnes qui en étant jeune, avait une philosphie très « carpe diem », à saisir toute opportunité, et prendre chacune de leurs erreurs comme des opportunités et qui désormais se rendent compte qu’ils ont eu tort et s’en excusent. On termine cet album avec le titre « In meinem Kopf » où les guitares sont déchaînés dans tous les sens. On a l’impression de courir un marathon et ce titre va être un vrai bonheur pour les pogos en concert !
Kraftklub nous ont encore une fois prouvé qu’ils étaient la voix de toute une population qui subit parfois la société d’un passé chaotique, mais qui est plein d’espoir. Leur musique est énergique, très bien écrite et entraînante. L’album est le reflet parfait de leurs 10 ans de carrière, totalement mérité face à la montagne de talents qu’ils ont. Vivement les concerts!
Tracklist :
Teil Dieser Band
Ein song Reicht
Wittenberg ist nicht Paris
Fahr mit mir (4×4) feat. Tokio Hotel
Blaues Licht
Kein Gott, kein Staat, nur Du feat. Mia Morgan
Angst
Vierter September
So Schön feat. Blond
Der Zeit bist du egal
In meinem Kopf
Crédit Photo de couverture : Philipp Gladsome
Article par Marye Davenne
