Interview : Pines Alley 29

À l’occasion d’une soirée enflammée au Salem (33), j’ai eu la chance de découvrir Pines Alley 29, un groupe de metal bordelais qui a su captiver l’audience dès les premières notes. Cette soirée restera gravée pour bien des raisons, mais plus particulièrement pour la rencontre marquante avec Thibaud, leur chanteur. À travers sa voix et ses mots, Thibaud nous a plongés dans un univers à la fois puissant et sincère, ouvrant son cœur et ses mélodies pour nous offrir des frissons mémorables. Une immersion musicale intense qui méritait bien une interview.

Pouvez-vous vous présenter et présenter le groupe ?

**Julien** – Moi, c’est Julien, je suis le guitariste lead. J’ai rejoint la formation actuelle il y a un an. Depuis, on travaille d’arrache-pied pour offrir ce que vous allez découvrir ce soir. On espère que ça vous plaira.

**Olivier** – Ça va être une pure soirée. Moi, c’est Olivier, bassiste depuis le début du groupe. J’ai aussi fait le mastering de l’album, accessoirement.

**Thibaud** – Et moi, c’est Thibaud. Je suis celui qui a composé, enregistré, créé et chanté. Tout ce qu’il y avait à faire, je l’ai fait. Ensuite, j’ai rassemblé cette bande pour porter le projet sur scène. Et c’est ce qu’on fait actuellement. Le projet est, en plus d’être très introspectif, autobiographique. Chaque morceau a un début et une fin, tout l’album suit un fil rouge. Il y a beaucoup de moi dedans. Mon histoire est littéralement écrite, c’est vu comme une thérapie. Au début, c’était vraiment fait pour ça. Et puis finalement, j’ai voulu voir ce que ça donnait sur scène. Jusqu’ici, ça fonctionne.J

J’ai lu ce que tu m’as envoyé, on sent que c’est un projet très personnel. Le nom du groupe l’est également ?

**Thibaud** – Oui, exactement. C’était un choix de départ, de vouloir sortir des sentiers battus et d’éviter des concepts trop communs. Beaucoup de noms de groupes tournent autour d’idées similaires. À Paris, j’ai rencontré des gens qui m’ont fait réaliser que l’important n’est pas forcément de faire partie d’un grand groupe connu, mais d’avoir des projets personnels. Ça a changé ma vision de la musique. Alors je me suis demandé : si je devais créer un groupe pour moi, qu’est-ce qui serait le plus personnel ? J’ai perdu ma mère il y a longtemps, et ça m’a profondément marqué. C’était un traumatisme qui m’a pris des années et plusieurs morceaux pour l’intégrer dans ma musique. Grâce à ça, j’ai pu exprimer mes mots, mes maux. L’idée était de me demander : qu’est-ce qui est le plus personnel pour moi ? Je repense à la maison où j’ai grandi, aux souvenirs et aux émotions qui y sont liés. J’ai donc donné comme nom l’adresse de cet endroit plein de souvenirs précieux. Traduit en anglais, ça donne “Pines Alley 29”. Et puis, il y a un petit côté mystique avec le chiffre 29. Comme Jim Carrey et le nombre 23, je le vois partout et j’aime bien l’interpréter comme un signe. Chaque fois que je commence quelque chose, il finit par apparaître, dans un numéro de téléphone, une heure, un prix… J’ai l’impression d’avoir fait le bon choix, parce que je ne suis plus seul. Je me sens accompagné dans un travail positif. En tout cas, je ne me reconnais plus par rapport à la personne que j’étais quand j’ai commencé, et c’est un bon signe.

**Olivier** – Ce qui est drôle, c’est que nous aussi, on a commencé à voir le 29 un peu partout. Je suis sûr que si on cherche dans la pièce, on va en trouver un. Comme dit Thibaud, c’est devenu une sorte de guide. Jusqu’ici, ça a toujours été positif, alors on continue !

**Julien** – J’ai rencontré Thibaud dans un cadre professionnel, on était collègues. Petit à petit, on s’est rendu compte qu’on partageait les mêmes goûts. On ne va pas trop en dire, mais il y a un point commun qui nous a rapprochés. Un jour, il m’a parlé de son projet de groupe de metal et de son album à venir. J’ai écouté un premier morceau, et ça envoyait quand même du lourd ! J’ai eu envie de faire partie du projet. Ce projet, même s’il est personnel, peut toucher beaucoup de monde. Jusqu’ici, on a eu des retours très positifs, et j’ai l’impression que les gens saisissent bien le message.

D’après ce que j’ai compris, le groupe a été créé en 2017 ?

**Thibaud** – Oui, j’ai commencé à le créer à ce moment-là, et l’album est finalement sorti en juillet 2023. C’est pour ça qu’il y a eu un gros travail derrière chaque chanson. Au début, je ne savais rien faire : je ne savais pas mixer, je ne savais pas chanter, je ne savais pas composer seul. Je composais pour des groupes, un peu pour moi, mais c’était toujours des mélodies. Je vivais alors dans un petit appartement à Paris, c’était la folie. Je posais mon ordi sur les toilettes et je m’asseyais dans la douche pour composer, dans à peine 12 mètres carrés ! En rentrant à Bordeaux, j’avais déjà quelques enregistrements. J’ai essayé de trouver des chanteurs, mais ça ne marchait pas. À un moment, j’ai commencé à écrire des paroles en me disant « Tiens, ce morceau-là me fait penser à ça ». Mais je n’arrivais pas à imaginer quelqu’un d’autre chanter ces mots à ma place. Alors, j’ai commencé à chanter moi-même. C’est encore un travail en cours, je ne maîtrise pas tout à fait. Le chant, c’est une évolution constante. La voix se travaille, ça prend du temps pour pratiquer et s’améliorer.

**Olivier** – Tu es en permanence en train de t’autocritiquer, de faire, de refaire et de refaire. C’est le piège, parce qu’au final, tu ne sors jamais ce que tu as à sortir. On a dû le pousser un peu en lui disant « Ça y est, les morceaux sont bons, sors-les ».

Vous êtes musiciens, collègues, mais aussi amis. C’est ce qui fait que tout fonctionne ?

**Julien** – Oui, c’est notre force. On vient d’univers parfois un peu différents, mais une fois sur scène, on se bat ensemble et on y va à fond.

Tu en as un peu parlé, mais qu’est-ce qui se cache vraiment derrière votre album *Résilience* ?

**Thibaud** – Tout le monde a des histoires compliquées, des vies compliquées ; on a tous vécu des traumas. Moi, je n’avais jamais réussi à avancer avec ça. J’ai toujours eu des choses qui me poursuivaient, des “casseroles”. À un moment, j’ai ressenti le besoin de faire quelque chose pour moi. Quand on regarde ses parents, parfois, on voit qu’ils n’ont pas résolu certains problèmes, et on n’a pas envie de finir comme ça, d’avoir ces mêmes blocages dans les relations. En arrivant à Paris, je ne savais plus ce que je voulais faire, je ne savais plus qui j’étais. J’étais piégé dans un métier sans issue. Je commençais à devenir l’opposé de moi-même. Je portais des chemises, des lunettes, tout un look trop professionnel qui ne me ressemblait pas. Je suis graphiste à la base, mais je voyais que je m’enfermais. Le “29” m’a permis d’arriver à un moment où je n’ai plus peur de faire ce que je fais et d’accepter tout ce que j’ai vécu. Les traumas de l’enfance, la perte de ma mère, les conversations que je n’ai jamais pu avoir avec elle parce qu’elle ne le pouvait pas, l’alcoolisme, les dépendances, les relations avec les autres qui sont trop intenses… À des degrés différents, chaque morceau m’a permis de résoudre un problème, un par un. Et d’écrire ce que je n’osais pas dire, ce que je n’osais même pas m’avouer. J’ai fait tellement de thérapies, j’ai tout essayé. Et là, avec cet album, j’ai pu trouver des réponses, du moins pour moi-même. Pas forcément avec les autres. Aujourd’hui, je me suis fait tatouer en une seule année. Je n’ai plus peur de voir les choses comme elles sont, d’être moi-même, de m’exprimer. Il me fallait un déclencheur pour me dire « Ok, tu as le droit d’exister. » La résilience, c’est ça : transformer tout ce qu’on a vécu en force. Et moi, de tous ces problèmes, j’ai fait un album. Humainement, ça me libère. Aujourd’hui, chacun contribue à faire évoluer le projet. C’est un projet en noir et blanc pour l’instant, même nos t-shirts sont en noir et blanc. Mais je pense que dans les mois et années à venir, le projet va prendre de la couleur, parce qu’il va se diversifier.

Des projets à venir ?

**Olivier** – On a fait notre release en septembre dernier, à la salle Sortie 13 de Pessac (33), et c’était complet, on n’en revenait pas ! Pour certains d’entre nous, ça faisait sept ans qu’on n’avait pas joué. Et là, on s’est retrouvés pour ça, en se lançant le défi de préparer la release en six mois.

**Thibaud** – On a dû apprendre cinq morceaux que les autres ne connaissaient pas du tout, avec moi qui ne savais pas chanter. Mais on s’est lancés. Et en fait, on a eu un super retour ; les gens ont accroché au concept. Après ça, on a fait quelques concerts. On ne cherche pas vraiment à en faire trop d’un coup, on reste un peu prudents. Mais d’un seul coup, on a commencé à recevoir des propositions, des invitations de copains…

Voulez-vous ajouter un petit mot de la fin ?

**Thibaud** – Déjà, merci de nous avoir proposé cette interview, car c’est notre première. On a récemment sorti un clip qu’on a fait avec un téléphone. Ça se voit, mais au moins, c’est fait avec le cœur. L’idée, c’est que si des gens nous écoutent, peut-être qu’on arrivera à toucher quelqu’un. Ma mère, malgré ses nombreux problèmes, était toujours tournée vers les autres. Et moi, à travers ce projet, j’aimerais porter un peu cette voie-là.

**Julien** – Pour ajouter, si vous voulez découvrir un peu Pines Alley 29, on est sur toutes les plateformes : Spotify, Deezer, YouTube…

**Olivier** – Et si vous voulez nous soutenir, vous pouvez aussi acheter l’album en ligne sur notre site. Merci.

Un grand merci à Julien, Olivier et Thibaud pour ce moment d’échange et de passion partagée. Leur authenticité et leur musique résonnent bien au-delà de la scène. Hâte de revivre ces émotions avec Pines Alley 29 ! Retrouvez d’ailleurs le Live-Report de leur concert du 10 Octobre 2024.

Marion Tapia
Marion Tapia
30 ans. Chercheuse de talent 🫶 Passionnée par la propulsion des scènes émergente et de la collaboration avec les label et asso locale!

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