Interview avec Tobi Duncan de Trash Boat

0
642

A l’occasion de leur passage au Black Lab de Lille lors du concert d’Enter Shikari, Victor et Marye ont eu l’opportunité de s’entretenir avec Tobi Duncan, chanteur du groupe britannique Trash Boat.

Victor : Vous êtes en tournée avec Enter Shikari depuis des mois déjà, comment décrirais-tu l’expérience de tourner avec eux ? 

Tobi : C’est surréaliste car le premier concert auquel j’ai assisté dans ma vie, c’était Enter Shikari, il y a 16 ans, ce qui est fou ! A l’époque, je ne savais même pas encore que j’aimais la musique live. C’était dans un club dans une toute petite ville, pas loin d’où j’habitais. J’avais vu que des groupes jouaient, j’avais 14 ans, je me suis dit que j’allais voir ce que ça donnait. Je me souviens m’être dit « Oh j’aime bien, je vais me souvenir de ce groupe ». C’était avant qu’ils ne sortent le morceau « Sorry You’re Not A Winner », et ensuite ils sont devenus très connus, un nom que tout le monde connaissait. Ce morceau est devenu un meme avant que les memes n’existent. Tout le monde en Angleterre, surtout dans le sud, avaient ce morceau sur leurs téléphones. Etre en tournée avec eux 16 ans plus tard, ça n’a pas de sens mais c’est incroyable. Je n’aurai jamais pu deviner ça !

Marye : Est-ce que cette tournée a eu un impact sur votre audience ? Tu sens qu’elle a grandi ?

Tobi : On ne peut jamais vraiment savoir. On le saura peut-être après la tournée. Il y a deux ressenties lorsque l’on fait des concerts. La première est que quand tu tournes avec un groupe qui fait des sons assez similaires aux tiens, la foule généralement te connait, tu ne gagneras pas forcément de nouveaux fans, mais tes fans seront là pour toi. Ici, c’est plutôt l’opposé, je n’ai pas l’impression que beaucoup de monde nous connaissent, mais on peut gagner des nouveaux. Je ne dirai pas que je préfère quand on nous connait déjà, c’est toujours un plaisir de commencer un concert, tu joues le premier morceau, et tu vois que les gens découvrent et apprécient, et dès le deuxième morceau, ça bouge beaucoup plus, et c’est un super sentiment car tu sais que tu as réussi. C’est ce qu’on a ressenti à Paris hier soir, c’était super.

Victor : Vous sentez que vous partagez les mêmes valeurs en tant que personne que Shikari ? 

Tobi : Oui complétement ! Enter Shikari sont plus impliqué dans les causes qu’ils défendent, et en parlent oralement beaucoup plus que nous, mais clairement oui.

Marye : Votre dernier album Don’t You Feel Amazing est sorti en Août 2021. Plus d’un an après, qu’avez-vous réalisé grâce à cet album et quel impact a-t-il eu ?

Tobi : Je pense que l’on a contrarié de nombreuses personnes car nous avons arrêté de faire du pop-punk. Mais on a rendu heureux beaucoup d’autres. On n’a pas intentionnellement fait ça pour embêter nos fans, on a juste voulu incorporer ce qu’on aime, et évoluer vers quelque chose de nouveau. On a déjà écrit deux albums et deux EP, avec des sons plutôt similaires. Quand on s’est lancé dans le nouveau, on continuait à écrire des sons similaires mais ce n’était plus aussi stimulant alors on a décidé de se lancer vers des sonorités qui nous rendait vraiment heureux. Lors de nos concerts, on essaye tout de même d’incorporer des anciens sons. En première partie, nous n’avons que 30 minutes, donc on fait principalement des nouveaux titres ainsi qu’un tout nouveau titre pas encore sorti qu’on a joué à Paris hier, et qu’on jouera ce soir à Lille. Mais sinon, je ne peux pas vraiment mesurer le fait d’avoir eu un plus grand impact, on n’a pas gagné d’award ou de trophées quelconques. Tant qu’on continue de faire de concerts, que les gens s’amusent, c’est notre réussite.

Victor : Cet album, c’est le premier avec des collaborations. Comment ça s’est passé de travailler avec d’autres personnes que les membres du groupe ? 

Tobi : C’était durant la covid, donc nous n’avons pas eu l’opportunité de travailler en face à face avec ces personnes, on a envoyé les morceaux aux personnes en leur demandant si ils souhaitaient être en featuring dessus. Milkie Way et Kamiyada nous ont éblouis. Ils nous ont envoyé leurs versions, c’était parfait. On ne les a jamais vu en personne, ils nous ont envoyé leurs versions et nous nous sommes dit : « Oui, c’est incroyable ! ». C’était super de voir les morceaux évoluer de cette façon, par exemple Kamiyada, c’est un rappeur, et on n’a pas l’habitude de faire du rap, mais c’était dingue.

Marye : Ecrire un album avec des paroles très positives ou qui donne l’envie d’agir est un vrai changement dans la façon de parler de la santé mentale dans la musique. Est-ce que tu penses que faire des musiques avec une ambiance positive est une bonne façon d’aider les personnes qui souffrent de ces problèmes ? 

Tobi : J’écris beaucoup des paroles de manière assez égoïste si je peux dire. Je ne les écris pas avec l’intention d’aider à résoudre les problèmes des gens mais ce que je sais, c’est qu’il y a un endroit particulier dans notre esprit, où quand on arrive à se connecter avec un morceau, il nous parle vraiment. Par exemple pour moi, c’est le groupe Have Heart qui a réussi à me faire ressentir ça, donc j’ai essayé de faire ça pour moi, que ça devine réel et honnête. Après si par coïncidence, d’autres personnes arrivent à se connecter de la même façon que moi à ces paroles, c’est parfait. Je n’écris pas pour quelqu’un d’autre, j’ai écrit beaucoup de choses sur ma vie dans les deux premiers albums. Je traversais beaucoup d’épreuves, et c’est toujours le cas, mais je voulais que cet album soit un peu plus inattendu, et que tout ce que j’ai vécu soit retranscris dans notre musique.

Victor : Est-ce que tu as ressenti une évolution dans la mentalité des gens sur les sujets LGBTQ+, que ce soit de la part des acteurs de la scène musicale mais également du public ? Est-ce que certains artistes ont ouverts la voie vers ces sujets ? 

Tobi : Absolument, je ne peux pas prétendre ne pas être à l’écoute vis à vis de ces sujets, même si je ne suis pas vraiment activiste de la cause. Mon opinion sur le sujet est : laissons vivre les gens et ouvrons la parole. Je ne suis pas pro-actif sur le sujet mais je veux que toutes les personnes qui ont un look non binaire puissent exister sans être mal-vu par les autres. Je vis ma vie de façon nonchalante, c’est à dire que je fais ce que je veux, et personne ne me questionne vraiment sur ma sexualité ou mon genre. Et ce que je souhaite à tout le monde, d’avoir une vie aussi simple que celle que je vis. En terme de visibilité, chacun a sa version de comment il souhaite être perçu. Je n’impose ma vision à personne, et je n’essaye pas non plus de changer le regard des gens sur la façon dont ils perçoivent le genre humain. Je pense que le monde évolue, à son rythme, mais je ne suis pas activiste dans le sens à être très actif pour que ca aille plus vite. C’est une conversation assez difficile.

Marye : Tu as déjà dit en interview que Emily Brontë et William Butler Yeats ont une grande influence sur ta façon d’écrire les paroles des morceaux de Trash Boat. 

Tobi : Oui ! Margaret Atwood également.

Marye : Les deux que j’ai nommé sont de la fin du 19ème siècle, début 20ème. Est-ce qu’il y a d’autres poètes ou artistes plus contemporains qui ont aussi une influence sur toi ? 

Tobi : Je ne vais pas répondre vraiment un poète mais il y a une superbe personne qui est Jiddu Krishnamurti que je trouve exceptionnel. Je ne suis pas d’accord avec l’intégralité de sa philosophie ou sa doctrine, comme pour le stoïcisme ou tout autre idéologie, je n’adhère pas à l’intégralité mais je garde une bonne partie, et je trouve sa pensée très encourageante. Je trouve Jiddu Krishnamurti fantastique. On peut l’entendre sur l’album Diamond, de Stick To Your Guns, sur les interludes parlés entre les chansons de l’album. C’est une personne pleine d’esprit et de sens. J’encourage tout le monde à écouter ses discours et lire ses livres. Très intéressant et très inspirant. Ses pensées sont fortes et deviennent chez moi des paroles de chansons.

Victor : Vous avez joué à Paris deux fois cette année, en tête d’affiche et hier avec Shikari. Comment as-tu senti l’accueil du public sur les nouveaux morceaux, et comment se sont passés ses concerts ? 

Tobi : La France est générale est plutôt incroyable. Même si c’est un public assez difficile car c’est tout au rien. Soit ils adorent, soit ils ne sont pas intéressés du tout. Pendant longtemps, ils n’étaient pas beaucoup intéressés, mais je sens que ça a changé sur les deux derniers albums, on ressent désormais l’amour du public Français. A chaque concert que l’on fait en France, c’est de mieux en mieux. Et hier à Paris, c’était vraiment très bon et on espère que ce soir, ce sera pareil.

Marye : Une dernière question, as-tu une suggestion de livre, album à nous proposer ? 

Tobi : Sans hésitation, les albums Song To Scream At The Sun et The Things We Carry de Have Heart. Pour un livre, je dirai le livre The Parallax View de Slavoj Žižek, même si quand on lit ses livres, on doit chercher sur Google tous les trois mots [rire], car il dit tellement de choses folles. Mais de toute façon, tous les philosophes, surtout du 18ème siècle sont incroyables.

Victor : Merci beaucoup

Tobi : Merci c’était super !

 

Merci beaucoup à Tobi pour ce moment, à Chris (tour manager de Trash Boat) pour l’organisation ainsi qu’à Marina de Kinda Agency pour l’opportunité.

Merci au Black Lab pour l’accueil.

 

 

Leave a reply

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici