Amira Elfeky aux Étoiles, Paris – Une nuit entre nuages, pluie et clair de lune

Paris, 18 juin – Les Étoiles, ce nom de salle n’a jamais aussi bien porté son nom. Dans ce cocon parisien, un ciel émotionnel s’est déployé en trois temps : des nuages en mouvement, une averse électrique, puis une nuit de pleine lune mélancolique portée par la voix d’Amira Elfeky. Retour sur une soirée suspendue entre le trouble, la tempête et l’éther.

CloudyField – Brumes intérieures et clair-obscur

La soirée s’est ouverte comme un ciel d’orage au ralenti. Deux silhouettes sous une lumière laiteuse : CloudyField. Un trio sur scène, mais la lumière illumine Vee, voix éraflée et magnétique, véritable ouragan contenu sous un halo de réverbérations. On aurait dit que les nuages eux-mêmes chantaient à travers elle, portés par une batterie percutante et une guitare en clair-obscur.

Dès Parasite, l’atmosphère se charge : un souffle lourd traverse la salle, comme si la condensation d’un chagrin ancien prenait forme. Is that love? plane comme une question suspendue dans les hauteurs, jamais redescendue. Crawl enchaîne, lent et rampant comme une tempête émotionnelle. Le public, pris dans le coton du son, vacille sans bruit.

Next to nothing est un cri étouffé dans un orage intérieur. Et lorsque Do it all for me éclate, c’est comme si les nuées s’étaient déchirées pour laisser passer un trait de lumière froide. Vee, par moments, murmure plus qu’elle ne chante — comme une voix tentant de sortir du brouillard. Enfin, In your head referme ce ciel semblable à une averse mentale. CloudyField a plu. Lentement. Douloureusement. Intensément.

Split Chain – Déferlante bleue et crash atmosphérique

Changement de pression. Dès l’entrée de Split Chain, c’est une averse bleue qui s’abat sur les Étoiles. Le ciel n’est plus flou, il est lacéré. Les guitares taillent dans l’air comme des éclairs, la batterie tonne comme une colère venue d’en haut. Il pleut des cordes (et non des chaines, heureusement), au sens propre et figuré.

Subside lance les hostilités avec une densité sombre. Ça dégouline d’émotions brutales, à vif. Bored. tired. torn. et Fade s’enchaînent comme des gouttes qui cognent les vitres : ça claque, ça cogne, ça touche juste. Le public tangue sous cette tempête de riffs et de cris de l’âme.

Extract et Future font exploser l’énergie contenue — et c’est littéralement du ciel qu’un spectateur s’abat, stagedive malheureux, qui aura fait des dégâts dans le public. Instantanément, le ciel se fige. Froid polaire. Le genre de bourrasque qui coupe le son. Après un rappel bienveillant sur les règles de sécurité à adopter, ils relancent avec Who am i? comme pour interroger cette absurdité : qui tombe vraiment du ciel, et pourquoi ?

Le set se conclut avec I’m Not Dying To Be Here, comme une déclaration d’intention brute, sur fond de pluie acide. Une performance orageuse, féroce, que même la chute d’un ange maladroit n’a pas réussi à gâcher.

Amira Elfeky – Entre lune pleine et vertige du cœur

Puis les lumières se tamisent. Le ciel devient velours. L’obscurité n’est plus menace, mais promesse. Amira Elfeky entre en scène. Elle ne marche pas, elle flotte. Robe sombre, regard lointain, elle semble née du crépuscule même. L’astre autour duquel gravitent nos blessures.

Elle ouvre avec Take Me Under, invocation douce-amère à se laisser couler dans la nuit. Chaque note est une étoile filante. Secrets s’échappe comme un murmure, un secret soufflé entre deux battements de cœur. L’émotion, palpable, glisse comme une ombre sur les visages. À I want it all, elle s’élève : la voix fend l’air, portée par un silence religieux.

Everything I Do Is For You est un abandon pur, lors duquel la chanteuse ne cesse de toucher les mains de ses fans qui la supplient pour recevoir une marque d’attention. Le morceau est suivi de Coming Down, qui prend l’allure d’une chute contrôlée dans les limbes du désir. Le ciel s’épaissit, se colore de bleus profonds, jusqu’à ce que Forever Overdose fasse l’effet d’un sort : la salle est victime d’une overdose d’amour et de grâce.

Save Yourself résonne comme un cri venu du fond de l’océan nocturne, et Numb glace tout, avec cette élégance douloureuse qu’Amira manie comme une lame. Puis elle offre A Dozen Roses, bouquet funèbre et somptueux à ceux qu’on aime trop tard. La salle retient son souffle.

Vient Will You Love Me When I’m Dead, moment suspendu où la chanteuse et son public ne font plus qu’un seul cœur battant. All of me, dans un murmure final, prélude à Tonight, morceau de clôture, éclaire la salle comme une lune qui s’élève au-dessus des ruines.

Étoiles filantes et cieux intérieurs

En sortant, la nuit parisienne semblait différente. Plus lourde, plus belle, comme chargée de ce qu’on avait vécu là-haut, dans ce ciel à trois étages. De la brume de CloudyField aux pluies électriques de Split Chain, jusqu’à la clarté ténébreuse d’Amira Elfeky, ce concert aux Étoiles n’était pas un simple enchaînement de sets : c’était une météo intérieure, un voyage météorologique et émotionnel. Une nuit où chacun est reparti un peu plus céleste, un peu plus abîmé, un peu plus vivant.

Latest articles

Related articles

Leave a reply

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici