Il y a des soirs où un concert dépasse le simple cadre du live pour devenir un véritable chapitre d’histoire, et ce 14 novembre au Rocher de Palmer en fait partie. Trois groupes, trois énergies : l’ouverture brutale, la montée en puissance, puis l’explosion finale. Half Me pose les bases du combat, Get The Shot renforce la tension comme un mid-boss imprévisible, et Rise Of The Northstar transforme la salle en dojo incandescent, digne des plus grandes batailles de shōnen.
Entre atmosphères suffocantes, déferlantes de riffs et esprit de camaraderie furieuse, la soirée prend l’allure d’une guerre urbaine stylisée. Une Red Falcon War où chaque groupe ajoute sa propre technique spéciale, jusqu’à faire du Rocher un territoire assiégé, vibrant et inoubliable.
[Photos : Mary / Rédaction : Matthias]

Half Me
La soirée s’ouvre avec Half Me, une découverte qui pose immédiatement le ton : simple, frontal, efficace. Pas de fioritures, pas de détours, juste une énergie directe qui frappe sans prévenir. Assez classique dans sa structure, leur hardcore est relevé, ici et là, par de petites pointes de chant clair. Pas toujours totalement maîtrisées, mais suffisamment présentes pour nuancer les sections screamées et apporter un souffle différent à l’ensemble.
Sur scène, les guitares font le job : énergiques, entraînantes, parfois même franchement accrocheuses. Les breakdowns, eux, jouent dans la catégorie “simple mais redoutablement efficace”, le genre de passage qui parle directement aux cervicales. Mention spéciale au bassiste, dont les mouvements de scène donnent un relief inattendu à un set qui aurait pu manquer de variations. L’intention est là, l’énergie aussi, même si la salle reste encore timide, autant dans le nombre que dans le mouvement, malgré un show sympathique.
Mais impossible d’ignorer les véritables ombres au tableau : un son parfois bancal, mal équilibré, et surtout… ces maudites lumières. Un jeu quasi absent, remplacé par un déluge de stroboscopes blancs permanents du début à la fin, au point de frôler la crise d’épilepsie. Visuellement ? Atroce. Photographiquement ? Cauchemardesque. On ressort un peu secoué de cette intro de soirée, partagé entre l’envie d’en voir plus et le besoin de laisser reposer ses rétines.

Get The Shot
Pour Get The Shot, l’enjeu est d’une autre dimension. Leur premier show pour nous (Chair Your Sound) sans Jean-Philippe Lagacé, figure historique, voix emblématique, charisme massif. L’appréhension est totale : le nouveau chanteur, Mathieu Dhani, ne nous avait pas convaincus sur Torture Your Corpse, le premier titre publié. Les attentes sont hautes, et les doutes bien présents.
Mais dès les premières secondes, tout explose. Le concert devient ce rouleau compresseur dont Get The Shot a le secret : sec, frontal, viscéral. Les titres restent d’une efficacité redoutable, et le pit se forme à une vitesse déconcertante. Circle pit, wall of death, pogo, slams… la salle, désormais presque pleine, n’attendait qu’un signal pour s’embraser. Était-ce la curiosité envers le nouveau frontman ? L’attachement profond au groupe ? L’envie de tester la continuité ? Sans doute un mélange des trois.
Sur scène, les musiciens conservent cette rage pure, cette façon de vouloir croquer la scène à pleines dents. Mathieu Dhani, lui, s’en sort avec les honneurs. On sent qu’il cherche encore sa zone de confort, qu’il n’a pas totalement trouvé ses appuis, et que passer après Jean-Philippe est un défi presque impossible tant l’ancien frontman incarnait la furie du groupe. Sa voix est solide dans les aigus, mais les graves restent timides, parfois maladroits : une question d’expérience, de respiration, peut-être aussi d’assurance. Côté présence, on sent qu’il cherche encore sa place ; c’est encore en construction, mais la base est là.
Finalement, Get The Shot prouve qu’ils n’ont rien perdu de leur capacité à mettre une salle en feu. Les craintes liées au changement de line-up s’estompent, remplacées par une évidence : le groupe avance, et le nouveau venu a devant lui un boulevard d’évolution. À lui de saisir sa place, de s’affirmer, et de montrer qu’il peut réellement reprendre le flambeau pour écrire la suite de l’histoire.

Rise Of The Northstar
Ce soir marque un événement symbolique : la sortie du nouvel album Chapter 4 : Red Falcon Super Battle! Neo Paris War!, dévoilé le jour même, et cette tournée en porte déjà les couleurs. On entre littéralement dans une nouvelle ère pour nos cinq samouraïs.
Dès que les lumières s’allument, le décor nous frappe de plein fouet, un tableau hybride mêlant tradition japonaise et urbanisme. Tout y est: lampadaires, devantures graphiques, cerisiers en fleur, touches street, et même un distributeur automatique type konbini… Un vrai pont entre Shibuya et les rues sombres du Bronx. Un décor digne de Crows Zero, écrasé par l’énergie d’un Neo-Tokyo post-chaos. Les membres débarquent en mode furyos old school, silhouettes affûtées, menace contenue dans chaque pas. Vithia désormais sans masque : un “face reveal” à la valeur d’un arc narratif entier. Eva-B, lui, garde son emblème : l’ombre derrière le Kabuki, façon Kakashi qui refuse encore de montrer tout son jeu.
Au Rocher de Palmer, ce soir, la salle est quasiment sold out. On sent l’électricité vibrer dans l’air, bien avant la première note. Quand Neo Paris ouvre le set, c’est instantané : implosion digne d’un Rasengan en pleine face. Le pit se forme en dix secondes chrono, comme si quelqu’un avait crié Detroit Smash au milieu de la fosse. La foule s’embrase, scande, pousse, se fracasse avec l’enthousiasme des grandes batailles shōnen. Les furyos étaient attendus comme des protagonistes de retour d’exil.
Sur scène, Vithia est une furie contrôlée. Véritable maître de cérémonie, il arpente chaque recoin comme un lion en cage, Onizuka-style, qui n’a besoin que d’un regard pour faire taire la salle. Il projette ses lignes avec rage, précision et charisme; comme des coups spéciaux, directs et maîtrisés.
Eva-B, lui, envoie ses solos avec un feeling chirurgical : tranchants, hypnotisants, exaltants. La précision d’une Lance de Longin nous transperçant.
Air-One tient le groove et les breaks avec une puissance qui arrache les cervicales : un uppercut digne de Guts, massif mais maîtrisé.
Yoru s’impose avec la détermination d’un rookie rempli de fougue, totalement possédé, headbanguant sur chaque ligne de basse. Toute cette équipe épaule leur capitaine, envoyant des chœurs comme des coups de poing sonores.
Et enfin Phantom, derrière les fûts, déroule une rythmique implacable : un Kamé Hamé Ha rythmique, massif, inébranlable, qui propulse tout le set vers l’avant.
La setlist enchaîne les uppercuts sans respirer.
Les classiques tombent comme des techniques ultimes ; ceux du nouveau chapitre réveillent la salle comme un power-up soudain. On passe d’une ère à l’autre : de Showdown à Welcame, jusqu’au nouveau titre Underrated. Here Comes the Boom soulève la foule et fait trembler le sol, quand One Love nous explose la voix. On démarre Raijin avant que Shi ne l’interrompt et ne vienne hanter Vithia une fois de plus, nous offrant un Kozo aussi sombre qu’ultra lourd. Third Strike nous secoue de toutes parts avant d’enchaîner sur, non pas un, mais trois nouveaux titres : la touche française Back 2 Basics, Falcon, digne d’un opening d’anime puissant, et le fédérateur A.I.R. Max.
Ces nouveaux météores passent l’épreuve du live, haut la main !
Puis vient Rise, véritable catalyseur de motivation, de combat et de résilience, qui clôture le set avant le rappel. Et quel rappel ! Trois indémodables classiques, interprétés avec les anciennes tenues du groupe : l’emblématique uniforme gakuran, qui provoque l’exaltation de la salle. What The Fuck qui se veut explosif et supersonique, Demonstrating My Saiya Style qui nous fait jumper jusqu’au plafond; et enfin, Again and Again qui finit de nous mettre à genoux…
Une setlist cohérente et détonante, qui nous aura fait voyager au cœur de chaque album des cinq venus de l’Étoile du Nord.
Les nouveaux morceaux transforment la salle en dojo vivant. Chaque refrain devient un cri de guerre, chaque breakdown une attaque spéciale, chaque drop un changement d’aura.
ROTN frappe.
Comme un Hokuto no Ken en plein sternum.
Le set est brutal, massif, énergique, fédérateur. Animé par cette force shōnen qui mélange loyauté, violence, dépassement de soi et respect. L’équipe est solide, leur univers se renforce encore dans leur style hardcore, leur esthétique japonaise et leur ADN de batailleurs. Une nouvelle montée en puissance pour un groupe qui, tournée après tournée, continue de cimenter son univers unique. Ils imposent une vision, un code, presque un nindō.
Les albums explosent tout, à chaque sortie, les lives transpirent la même intensité. On repart essorés, lessivés, trempés, mais galvanisés. Comme après la fin d’un arc où le héros tient encore debout, par pure volonté.
Et une chose est sûre, on reviendra.
Encore. Toujours.
Again and Again.
Peace.
Conclusion
Ce triple plateau au Rocher de Palmer aura joué comme un véritable arc narratif complet : montée en tension, épreuve, transcendance et explosion finale. Half Me pose les bases, Get The Shot ravive la flamme du chaos hardcore, et Rise Of The Northstar transforme la salle en champ de bataille shōnen, où chaque spectateur devient un protagoniste. Une soirée qui démontre encore que la scène alternative vit, respire, évolue et frappe plus fort que jamais. On ressort marqué, nourri, transformé. Et surtout : prêt à revenir pour le prochain chapitre.
Merci à toute l’équipe du Rocher de Palmer, Base Production et tous les groupes présent à cette soirée !
