Interview – Ingrid (Chant) – Jirfiya

Pour évoquer la sortie de leur premier album « Still Waiting » paru en fin d’année dernière j’ai pu poser quelques questions à Ingrid, chanteuse du groupe français Jirfiya.

Victor: Hello, pour commencer, peux-tu te présenter ainsi que le groupe?

Ingrid: Salut, moi c’est Ingrid, chanteuse du groupe Jirfiya sur le chant clair. Jirfiya c’est un projet qui est né après ma rencontre avec les membres du groupe de Born From Lies, qui est un groupe de Heavy Metal Parisien, à l’époque j’étais tombée sur une annonce postée sur les réseaux sociaux, ils cherchaient à collaborer avec d’autres chanteurs/chanteuses et donc je m’étais proposée. On s’est donc rencontré, ça a tout de suite matché. Il était question au départ de continuer sur Born From Lies, ça n’a pas été possible, donc on est parti sur un nouveau projet qui est devenu Jirfiya, qui reste un peu sur les mêmes objectifs en termes de thématique surtout (rires).

Victor: Du coup, vous avez sorti un premier EP « Wait For Dawn » en 2019, quel ont été vos retour sur cet EP et qu’est-ce qu’il vous a apporté comme opportunités ?

Ingrid: On a eu un très bon retour sur tout ce qui est webzines dédiés, ce qui nous a encouragés car on se savait pas trop… Quand on est rentré en studio avec ce projet là, on se connaissait vraiment très peu, ça a été assez rapide et à la fois c’était une émulation. On est rentré en studio et on a vraiment découvert notre son et on a lancé ça dans la métal sphere, ça a été plutôt bien perçu. Ça nous a vraiment encouragé à continuer. Après en termes d’opportunités, c’est toujours mieux d’avoir un EP pour avoir une petite carte de visite, on était en plein démarchage, on avait commencé à jouer, on a fait notre première date le 07 Mars de l’an passé et après on a été confiné… donc voilà… Par rapport au premier EP, son exploitation a quand même été assez limitée avec le confinement, on est passé à la phase numéro 2 qui était l’album, que l’on avait comme objectif et qui s’est concrétisé à ce moment-là.

Victor: En fait, ça vous a accéléré le projet d’album quoi…

Ingrid: Exactement, plus de temps pour Jérôme pour composer et voila et surtout une envie, c’était un peu une façon de se tenir les coudes et de tenir le coup en cette période difficile.

Victor: Justement, comment s’est passé le travail sur l’album « Still Waiting »?

Ingrid: Je pense déjà que Jérôme avait des idées en tête, de morceaux, de mélodies, on a commencé ce travail là notamment en cherchant des thèmes. Je pense de House Of Poison a été le premier morceau qu’on avait commencé à imaginer surtout au niveau des paroles, et puis est arrivé le confinement, donc il a fait un morceau puis 2, puis 3, ça venait super vite, c’était déjà bien carré, il n’y avait qu’à poser sa voix dessus puis  les instruments. Ça nous a tenu, c’était très rapide, très fulgurant comme pour le premier EP. On n’avait pas de quoi faire tout un album à proprement parler de titres complètement inédits, donc par rapport à Born From Lies, on est resté sur l’idée de reprendre encore quelques morceaux, on a repris des titres qui avaient déjà été enregistrés et clipés l’année dernière, c’était donc l’occasion de les mettre sur support et on a réenregistré un ancien morceau qui est « This Is My Home » pour arriver à 8 morceaux, on a pas totalement triché parce qu’on a quand même dit que c’était des bonus pour marquer un peu la différence, car ce n’est pas la même session d’enregistrement, mais c’était tout aussi rapide et foisonnant que ça… 

Victor: Vous avez Nicolas qui est arrivé à la batterie dans le groupe, comment s’est passé son intégration ? A quel moment c’est arrivé…

Ingrid: C’était il me semble en fin d’année 2018, du coup, notre EP était déjà bien ancré, on avait déjà ce son là, ce qui a je pense facilité à trouver quelqu’un qui adhère à tout ça, il n’avait pas tout à apprendre depuis le début non plus. Donc quand Nico est arrivé, on a surtout bossé le premier live, à l’époque, nous pouvions encore répéter dans des endroits dédiés (rires) assez facilement, maintenant on se s’est pas vu depuis presque un an en tout cas pour répéter, il s’est très bien intégré à l’univers et il comprend ce que veut Jérôme aussi, donc il a apporté sa touche sur les morceaux aussi, comme à la basse, mais je pense qu’on est tous en adéquation avec ce que veut Jérôme et on s’y tient, on a un boulot d’interprète pour sublimer tout ça quoi…

Victor: Sur les deux pistes bonus, vous avez un autre batteur, c’est dû au fait que c’était une autre cession d’enregistrement? Un choix ?

Ingrid: C’était le choix de prendre un batteur de session parce que on s’est rencontré peu de temps avant, et que les acolytes de Born From Lies, eux, sont parti vers d’autres horizons donc on s’est vraiment retrouvé seulement à 3, mais Jérôme avait déjà pas mal de morceaux en tête et qu’il bosse hyper rapidement donc il n’avait pas envie de perdre du temps, à la fois pour des contraintes par rapport à son boulot, il avait assez peu de temps donc il l’a optimisé, on a donc enregistré très vite sauf qu’il n’y avait pas de batteur attitré donc dans ces cas là, tu prends un batteur de session qui a très bien fait le taff, qui nous a permis de poser notre son. Et puis maintenant c’est encore une autre couleur avec Nicolas, ça s’intègre tout aussi bien et de façon un peu plus pérenne.

Victor: Vous avez enregistré au Hybreed Studio avec Andrew Guillotin, comment s’est passé, du coup, toute la partie enregistrement et pose de l’album ?

Ingrid: On a enregistré principalement quelques parties de guitare et les voix en studio, après il y a des guitares qui ont été enregistrées (je parle technique…) en DI et qui ont été réampées en studio, c’est de la triche sans être de la triche quoi (rires). Essentiellement c’est quelques jours de prise de voix et refaire certaines guitares aussi. Concernant l’Hybreed Studio, on y est très bien, on est super bien accueilli à chaque fois, ça nous motive, il y a une bonne équipe en tête qui est extrêmement bienveillante, très connaisseuse et professionnelle dans cet univers Metal là et de ce que l’on peut en retirer, tout ça m’a pas mal boosté aussi, un bon boulot de coaching (sourires).

Victor: Et vous avez fait un joli mixage…

Ingrid: Exact, un joli mix’ des familles, parce qu’ils se retrouvent dans leurs influences, ils se comprennent et c’est ce qu’il fallait, ce qui manquait à Jérôme en tant que compositeur, enfin trouver quelqu’un qui comprenne son univers.

Victor: Sur la sortie de cet album, comment avez-vous anticipé cette sortie, dans cette période qui était cette année 2020, compliquée et peu propice à la sortie d’un album justement ?

Ingrid: Oui, il a fallu être audacieux, mais tout à chacun, on s’est posé la question, surtout qu’on était au mois d’Octobre en pleine deuxième vague, mais tout était prêt, donc on s’est dit « Allez, on le fait ! ». Cet album de 2020 n’est pas un album de confinement » spécifiquement, il n’a pas été fait comme tel mais il correspond à cette période là, donc on a joué le jeu jusqu’au bout et puis maintenant, notre but c’est de le faire vivre, pas forcément sur scène… En tout cas, il faut trouver des palliatifs à ça et c’est le plus gros défi actuellement.

Victor: Et vous avez pu enregistrer un clip quand même… Ca c’est fait avant le deuxième confinement, c’est ça ?

Ingrid: Oui, juste avant la rentrée, on a profité des derniers beaux jours et des derniers moments de liberté parce que déjà à l’époque, on se doutait que ça allait être compliqué l’Automne, tout s’est fait, enregistrement studio, mixage  et clip en 2/3 mois, sur le temps de l’été en gros.

Victor: Il fallait vraiment profiter de ce temps réduit au maximum…

Ingrid: Oui car après on aurait attendu le dégel, comme dirait l’autre, non, il s’agissait de le sortir maintenant et puis on verra quoi… Après c’est moins compliqué pour un EP, tu ne le défends pas de la même façon, c’est surtout pour se faire connaître. Après là, pour l’album on s’est dit qu’on essayait vraiment de s’installer… Je ne sais pas s’il y avait vraiment un moment idéal, à partir du moment où on est dans cette crise…

Victor: A mon avis, la période idéale n’existe pas, dans cette période en tout cas…

Ingrid: exact oui (rires).

Victor: Du coup, depuis la sortie de l’album, quels retours avez-vous eu en général ?

Ingrid: Encore une fois, on a l’impression que c’est plutôt bien reçu, certains webzines spécialisés parlent d’un « groupe prometteur », on prend, on prend. On a poussé l’univers un peu plus loin, même vocalement où je pousse plus, c’est plus affirmé à plein de niveaux, peut être plus sensible aussi dans la composition, plus de ruptures, on ose plus de choses. Pourvu que ça dure, après ce qui nous manque, c’est une visibilité vraiment public large mais on y travaille, mais c’est vrai que c’est compliqué de n’utiliser que les réseaux, c’est frustrant… très franchement.

Victor: Je me doute que quand on a un groupe, on a envie d’aller jouer, puis nous, public, on a envie de voir des lives aussi…

Ingrid: Et oui, on a envie de voir des lives et j’ai surtout envie de jouer moi, mais aussi en tant que spectatrice j’ai aussi mes places pour aller voir Klone, au mois de Mars, on croise les doigts. Là, même dans les démarches pour aller faire du live, je sais qu’il y a des conventions Métal, à Tours je crois en Avril, avec des groupes déjà annoncés… Voilà on touche du bois, même s’ils prennent tous des risques, après niveau petites structures pour des groupes comme nous qui commençons petit, quelles structures vont résister à tout ça ?

Victor: Je pense qu’effectivement les petites structures, les petites productions, pour survivre ça va être très chaud…

Ingrid: Voilà… donc je crains qu’on soit encore tributaires des réseaux pour vivre… Bon, heureusement, pas que des réseaux car il y a les webzines, les radios comme les vôtres heureusement, parce que je pense qu’on est tous interdépendants les uns des autres, mais niveau professionnalisation ça va être compliqué parce que les sources de revenus, si c’est pas le spectacle vivant ni les concerts, ce n’est pas le streaming non plus… soyons clairs.

Victor: Ah ça c’est sûr, à quasiment zéro centimes l’écoute, vous n’êtes pas près de gagner de l’argent… Enfin personne à part Metallica…

Ingrid: A part les gros qui ont déjà vendu 30 millions d’albums et qui se rémunèrent sur les droits et royalties comme en France quoi…

Victor : Alors, sur l’album Still Waiting, quels thèmes principaux avez-vous voulu aborder?

Ingrid : Ca parle pas mal de l’actualité, je pense en premier à la situation des femmes au Salvador où l’avortement est encore criminalisé, pénalisé, donc des femmes qui font des fausses couches et qui se retrouvent en prison parce qu’elles sont accusées d’infanticide. On monte des dossiers avec des fausses preuves parfois, enfin c’est la situation des femmes là-bas mais plus généralement, ça fait écho ensuite à l’actualité mondiale, on part d’une petite histoire et voilà… L’avortement, pour parler que de ça, est encore revenu sur le devant de la scène avec l’Argentine qui l’a légalisé à son tour. Donc il y a des choses qui bougent, heureusement dans le bon sens. Après il y a aussi la situation des réfugiés, c’est une thématique qui revient souvent, à la fois chez Born From Lies et chez Jirfiya, « The Hill Of Shame » c’est sur les réfugiés qu’on a relégués aux portes de Paris, à porte de la chapelle, au milieu des dealers qui sont complètement ravagés par le crack et qui n’ont plus de perspectives, que l’on traite comme des chiens, au passage. Il y a l’écologie aussi, c’est un thème récurrent…

Victor : Et que vous pouvez encore aborder pendant longtemps…

Ingrid : Voilà, c’est inépuisable, en tout cas ce sujet là est inépuisable mais malheureusement les ressources, elles, non. (rires)

Victor : En tout cas pour écrire des chansons, il y a de quoi dire.

Ingrid : Après, voilà, on le fait sans misérabilisme je pense, c’est toujours dans l’idée de rester en alerte sur tout ce qui se passe et de le verbaliser,  de ne pas se laisser envahir par un quelconque découragement (sourires).

Victor : Toujours dans l’optimisme, quels sont vos projets pour 2021 ?

Ingrid : On aurait bien aimé enregistrer un deuxième clip, histoire de bien faire les choses, maintenant c’est la situation sanitaire qui nous le dictera certainement, de continuer à faire vivre notre musique par tous les supports possibles, essayer d’exploiter au maximum ce que l’on a à disposition, après peut être revisiter nos morceaux sur des pistes acoustiques, faire des petits live session sur internet dans un premier temps, après idéalement du live, du vrai, en chair et on os, et puis connaissant Jérôme, il y aura surement quelques nouveau morceaux pour les mois qui arrivent (rires).

Victor : Oui, quitte à faire des morceaux…

Ingrid : Oui, peut être que c’est ça aussi l’avenir, il y a même de gros artistes qui le font depuis quelques années, sortir un ou deux singles ou des collaborations, voilà, ça te permet d’assurer des millions de vues sur Youtube…

Victor : Après, le truc, c’est que qui permet d’avoir de l’actu tout le temps, avec les streamings etc…

Ingrid : On se rend compte particulièrement en ce moment, maintenant qu’il n’y a plus de live, que ça se passe énormément sur internet, c’est aussi la mode des covers, si ça se trouve, on y coupera pas, mais oui, il faut du contenu, on s’en rend bien compte, il faut occuper le terrain, il faudra juste trouver la façon pertinente de le faire, j’en démord pas, après nous, on ne cours pas après l’image à tout prix, mais il faut quand même montrer des choses…

Victor : Pour que ça monte tranquillement et que ça se passe…
Et pour terminer, vous en tant que groupe, quelle visions avez-vous de l’année qui vient de se finir, de 2020 ?

Ingrid : Chaotique (rires). Voilà maintenant si on suit l’actualité musicale, il y a énormément de bons groupes qui ont sorti un album ces derniers mois, juste pour la scène française, Seeds Of Mary, Modyband, des groupes qui montent comme ça. Il y a toujours la même émulation derrière, enfin moi personnellement, je ne suis pas inquiète là-dessus, il y aura toujours de la création. Il faut régler les problèmes les uns après les autres et voilà, la santé d’abord et puis après quand tout le monde sera d’attaque, il y aura pas mal de choses à revoir et à changer, je pense que les djeun’s ne vont pas se laisser faire (rires), et ils auront bien raison.

Victor : Non mais c’est bien, ça permet de voir une évolution, comment ça repartira quand ce sera possible…

Ingrid : Exact, c’est la crise du siècle, la crise de cette génération là, après il faut bâtir derrière, une fois que tout est par terre, on ne peut que remonter (rires).

Victor : Ce qui est bien, enfin, pas forcément bien pour les gens… Il y en a qui disaient qu’il n’y avait plus de place dans les petites structures en disant « il y a trop de prod’ », s’il y en a qui tombent, ça veut aussi dire que d’autres vont se créer…

Ingrid : Oui voilà, c’est ça, c’est le monde de l’art qui est comme ça, cette émulation continuelle, et puis d’autant plus que dans des périodes de crises où c’est nécessaire, ça vient de là souvent, l’art en général, une façon d’avoir un regard particulier sur le monde et de se tenir aussi soi même. Il y a une part d’égoïsme aussi, mais je ne suis pas inquiète, il y aura toujours de la création, maintenant il faudra vraiment savoir comment on en vit quoi… parce que… il y aura de la casse certainement…

Victor : Et pas que dans la musique…
Ingrid : Effectivement pas que dans la musique, il faudra surtout être conscient que tout ça, c’est un travail, en France on a créé le statut intermittent parce qu’on a considéré que c’était un travail, dans d’autres pays ce n’est pas le cas… Tu ne bosses pas tu meurs quoi… Finalement, le milieu artistique est un peu un paradoxe, tout le monde va te dire qu’ils en ont besoin, mais d’un autre côté mettre la main à la poche devient de plus en plus compliqué, pour beaucoup (rires). Il y a des contraintes économiques mais tout ça, c’est un vrai boulot derrière.

Victor : Cette interview touche maintenant à sa fin, merci beaucoup pour ton temps, personnellement je ne vous connaissais pas et vous ai découvert avec votre album.

Ingrid : Et bien welcome (rires), on fera le point, de notre côté on reposte tout sur nos réseaux, merci à toi pour ton travail compte tenu des circonstances, c’est un boulot assez formidable je trouve, les webzines et radios.

Victor : Surtout qu’il y a des gens qui nous disent : « Mais vous faites ça et vous n’êtes pas payés ? » eh oui (sourires).

Ingrid : Et oui mais non, après à un certain moment, il va falloir trouver un moyen de subsistance… Bon après je ne vais pas me lancer là-dessus sinon je vais avoir toutes mes idées politiques, mais oui, l’idéal serait de trouver un moyen de subsistance…

Victor : C’est sur que le temps que l’on passe là-dessus, c’est du temps qu’on ne peut pas mettre dans autre chose.

Ingrid : Voilà, c’est du temps en plus et les journées ne font pas 36 heures, donc parfois ça te prend tout ton temps en plus du taff quoi… Donc bravo du coup et voilà, bises (rires)

Victor : Merci beaucoup à toi, en espérant que 2021 soit meilleure que l’année dernière…

Ingrid : Borfh… est-ce que ça peut être pire, je ne crois pas, il faut rester optimiste, allez, hauts les cœurs (rires).

Victor : Bonne fin de journée d’interview à toi et à très vite !

Ingrid : A bientôt, avec plaisir, merci beaucoup à toi (sourires).

 

Merci à Ingrid pour sa disponibilité et ses réponses et merci à Roger et Replica promotion pour l’opportunité. Et un grand merci à Chacha pour son aide pour la retranscription de cette interview.

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