Pour la sortie de leur album Diary, j’ai eu le plaisir de poser quelques questions à Kevin (guitariste et fondateur) du groupe Kamizol-K. Merci à Alex pour cette jolie opportunité ainsi qu’à Kevin pour le temps accordé à cette interview!
1/ Hello et merci pour le temps accordé à cette interview ! Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, peux-tu nous raconter la genèse de Kamizol-K ? Comment le groupe s’est-il formé ?
À l’origine, le projet KAMIZOL-K a été fondé par Lionel (au chant) et moi-même, Kévin (guitariste). Nous avons ensuite recruté Gaëtan, mon beau-frère, comme second guitariste. En 2017, le deuxième chanteur que nous avions à l’époque quitte le groupe. Malgré son départ, nous décidons de conserver le nom KAMIZOL-K et de partir à la recherche d’un nouveau chanteur lead.
En fouillant un peu dans les annonces, je tombe sur un profil vraiment intéressant, avec des influences issues du Visual Kei (Rock japonais), et notamment d’un de mes groupes préférés : DIR EN GREY. Je décide de répondre à l’annonce, on échange quelques messages, et la personne m’envoie une démo de ses screams, qui étaient d’ailleurs très convaincants. Et puis, elle m’annonce qu’elle est une femme — ce qui nous a vraiment fait plaisir. Nous étions ravis d’accueillir cette nouvelle énergie ouvrant de nouvelles perspectives dans le projet.
On a commencé à bosser ensemble assez rapidement, pour voir comment on pouvait orienter le projet. On a tous des influences très différentes, donc c’était important de trouver un terrain d’entente. Et ce qui nous a tout de suite réunis, c’est l’énergie qu’on voulait transmettre, sur scène comme en studio. On aime dire qu’on fait un mélange de tout ce qui nous fait vibrer. Il y a des gros riffs bien groovy inspirés du hardcore, des passages plus sombres et intenses qui viennent du black metal, et parfois même des éléments hip-hop, surtout dans les parties chantées. C’est un cocktail assez explosif, mais toujours pensé pour être direct et puissant.
L’arrivée d’Anthony (Batteur) a vraiment permis de poser les bases solides du projet. Avec lui, on a pu affiner notre direction musicale et affirmer l’identité sonore du groupe. Il a une vraie force de frappe et une vision qui ont tout de suite collé avec ce qu’on voulait faire
2/ C’est probablement une question qui est revenue des centaines de fois mais que signifie “Kamizol-K” et pourquoi avoir choisi ce nom?
Le mot « Kamizol » évoque directement la camisole bien évidemment qui est un symbole de folie mais aussi de contrôle. On peut y voir une référence à l’enfermement, que ça soit mental ou même social. Tous ces blocages sociaux qu’on peut ressentir. Le « K quant à lui signifie Key (la clé). C’est ce qui libère ou ouvre une porte vers une sortie. En combinant ces deux images en opposition, on veut montrer que notre musique explore ces deux tensions intérieures : l’oppression mais aussi la possibilité d’en sortir. On voulait un nom qui bouscule et reflète l’esprit libérateur de notre univers sonore. C’est une manière symbolique de dire que dans chaque enfermement, il peut y avoir une issue.
3/ Comment décrirais-tu votre univers musical ? Quelles sont vos principales influences ?
Même si chacun de nous vient d’un univers différent, on partage beaucoup de points communs. On est tous passionnés par les mangas, et on est très influencés par le cinéma d’horreur japonais. On est aussi de gros fans de jeux vidéo. Tout ça, on essaie de l’intégrer dans notre musique. Chaque morceau raconte une histoire — parfois complètement fictive, parfois inspirée de nos vécus, ou même un mélange des deux. On ne se fixe aucune limite en termes d’influences musicales. Personnellement, je peux autant puiser dans le hardcore old school, comme Hatebreed, que dans des groupes plus récents comme Knocked Loose. Ce qu’on cherche avant tout, c’est à créer une tension constante dans nos morceaux
4/ La scène indépendante française est riche mais parfois peu médiatisée. Comment vous situez-vous dans ce paysage musical ? Avez-vous un lien particulier avec d’autres collectifs ou artistes ?
Franchement, on se sent complètement ancrés dans cette scène indépendante. Elle est hyper riche, avec pleins d’initiatives et de talents, même si c’est vrai qu’elle est parfois peu médiatisée. On essaie justement de contribuer à la faire vivre à notre manière. On bosse avec Adrien de VVAgency (agence de booking), donc forcément ça crée des connexions assez naturelles avec les autres groupes de l’agence. On fait pas mal de plateaux communs, ce qui nous permet de tisser des liens artistiques mais aussi humains. C’est une vraie petite famille.
Et au-delà de ça, il y a aussi tous nos potes de scène, avec qui on partage souvent l’affiche ou même la route. On pense notamment à Loco Muerte, Eight Sins… C’est ce réseau de groupes, de collectifs, de passionnés, qui fait la force de cette scène. On s’entraide, on se soutient, et ça donne un vrai sens à ce qu’on fait. Il y a de la place pour tout le monde.
5/ Vous êtes souvent qualifiés de groupe à l’énergie brute et à la poésie sombre. Est-ce une intention consciente ou le fruit d’une évolution naturelle ?
Oui, c’est complètement notre intention. Après l’album Exile, on voulait vraiment orienter le projet vers quelque chose de plus sombre et plus violent. On avait envie d’explorer des territoires plus intenses, autant sur le plan sonore qu’émotionnel. Mais on tient à garder cette identité forte : celle de délivrer une énergie constante, presque physique, qui traverse tous nos morceaux. Pour coller à cette nouvelle direction, on a aussi travaillé un son plus agressif, plus tranchant, avec des textures plus rugueuses. Cette évolution, elle est à la
fois instinctive et réfléchie. On ne veut pas rester figés dans une formule, mais on a conscience de ce qui nous définit. Alors oui, cette tension entre brutalité et noirceur poétique, elle est voulue, elle fait partie de notre ADN, et on continue à la creuser à chaque nouvelle sortie.
6/ Votre dernier album Diary est sorti tout récemment. Quelle est la signification derrière ce terme de “journal intime” ?
Le titre Diary m’est venu un soir, un peu par hasard. Je cherchais un truc sans limite et le thème du journal intime ouvre plein de possibilités. Ce qu’on a trouvé intéressant, c’est justement cette liberté qu’il offre : un journal intime, c’est personnel, fragmenté, sans contrainte de temps ou de style. Chaque page peut raconter une histoire complètement différente. Et c’est exactement ce qu’on a voulu faire avec l’album.
En fait, chaque morceau correspond à une “page” de ce journal, et autour de ça, on a pu laisser libre cours à notre imagination. Par exemple, pour Battle Royal, on a imaginé une espèce de brochure de recrutement un peu glauque, dans l’esprit du film de Kitano, mais avec nos propres influences, notamment des références aux jeux vidéo comme Silent Hill, qui reste ma principale source d’inspiration. Pour Stronger Together, on voulait créer un lien plus direct avec le public. Du coup, on a écrit à la main une page du journal avec les paroles, en mode griffonnées, pour que les gens puissent les lire, s’en imprégner, et pourquoi pas les chanter avec nous en concert.
Et pour Virus T, qui fait clairement référence à Resident Evil, on a inventé de toutes pièces un faux compte-rendu médical qu’on a intégré comme une vraie page du journal. Ce genre de détails nous permet de donner plus de profondeur aux morceaux et de pousser le concept de l’album plus loin que la simple musique.
7/ Quels thèmes abordez-vous sur ce nouvel album ? Est-ce un album plus personnel, politique, introspectif… ou un peu de tout ça ?
Il est clair qu’on ne traite pas directement de sujets politiques. Ou alors, si ça arrive, c’est de manière très détournée, inscrite dans une fiction, dans un décor qui sert à raconter l’histoire d’un personnage. Ce n’est jamais frontal ni revendicatif au sens classique du terme. En revanche, on intègre souvent des éléments plus personnels dans nos morceaux. Il y a toujours cette figure de protagoniste qui traverse nos textes — un personnage en quête d’émancipation, qui lutte pour se sortir de certaines situations à différents moments de sa vie. Et même si c’est une fiction, on y injecte des fragments d’expériences réelles, vécues.
Par exemple, Marie a écrit les paroles du morceau “Shadow’s Dance” en s’inspirant directement de sa propre histoire dans le monde de la danse, notamment dans le hip-hop. C’est ce genre de passerelle entre le personnel et l’imaginaire qui donne du relief à nos textes.
8/ Comment s’est déroulé le processus de création de Diary ? Avez-vous changé votre manière de composer, d’enregistrer ou de produire ?
Ça a été un processus assez long, mais on y a mis une énergie très positive du début à la fin. On voulait proposer un album cohérent avec 12 titres, chacun avec sa propre identité musicale, son univers, son atmosphère… et surtout, sans refaire Exile (l’album précédent). On tenait vraiment à aller ailleurs, vers quelque chose de plus sombre, plus agressif, tout en gardant l’ADN de Kamizol-K. Rien n’a été laissé au hasard : l’ordre des morceaux, les enchaînements, les petites intros, les fins, les tempos… Tout a été pensé pour que l’album ait un vrai fil conducteur. Et on a tous su se remettre en question en cours de route. Il y a
des titres qu’on a retravaillés plusieurs fois parce que ça ne fonctionnait pas encore comme on le voulait. L’idée, c’était de n’avoir aucun morceau “en dessous” et de pouvoir tous les défendre fièrement.
Thibault, de Convulsound Production, qui a produit l’album, a énormément contribué à forger le son de Diary. Il a fait plein de tests avec différentes pédales d’effets, des amplis, des textures, jusqu’à trouver ce grain qui colle parfaitement à ce qu’on avait en tête. Ça a vraiment été un travail de collaboration à tous les niveaux.
9/ Quel morceau de l’album représente le mieux l’âme de Diary selon toi ? Et pourquoi ?
Franchement, chaque morceau a sa propre identité. On essaie vraiment de se renouveler à chaque titre, d’explorer des ambiances différentes. Mais s’il y en a un qui rassemble un peu toutes les facettes de l’album, ce serait Battle Royal. D’ailleurs, c’est marrant que vous posiez la question, parce que c’était exactement l’idée derrière ce morceau : en faire une sorte de condensé de ce qu’on retrouve sur tout l’album.
Je me suis dit : « Je vais composer un titre d’ouverture qui donne un aperçu global, un concentré de ce qu’on propose sur les 12 morceaux. » Il commence par un blast en intro, suivi d’un gros break rythmique avec de la saturation poussée à fond. Ensuite, on enchaîne sur un refrain assez fédérateur, et on termine avec une partie plus mélodique, accompagnée de chœurs. En deux minutes, on passe vraiment par toutes les étapes de notre univers.
10/ Quels sont les projets de Kamizol-K pour la suite ?
On sort tout juste de la phase de sortie de Diary, donc là, on est à fond sur la défense de l’album en live. L’objectif, c’est clairement d’aller le jouer partout où on peut : dans les salles, les festivals, et pourquoi pas à l’étranger si l’occasion se présente. On bosse aussi sur l’aspect visuel autour du projet. Comme Diary a un vrai concept, on veut continuer à creuser cet univers avec des contenus visuels, peut-être d’autres clips ou des formats un peu différents pour prolonger l’expérience de l’album.
Et puis, en parallèle, on commence déjà à réfléchir à la suite, à tester des idées, à voir dans quelle direction on a envie d’aller musicalement. Rien de figé pour l’instant, mais on reste en mouvement, toujours en train de créer. Bref, le plus gros projet, c’est de continuer à faire vivre notre musique, à rencontrer le public, et à repousser un peu plus loin nos limites à chaque étape.
11/ Quels sont les groupes/artistes que tu écoute en ce moment et que tu aimerais recommander à nos lecteurs ?
Évidemment, j’écoute beaucoup le dernier album de Knocked Loose. Il est juste parfait, que ce soit en termes d’atmosphère, d’énergie ou de production. Honnêtement, je pense qu’ils sont devenus une vraie référence pour nous tous. Après, je ne suis pas sûr d’avoir besoin de le recommander, parce que je suppose que la plupart des lecteurs l’ont déjà dans leur playlist !
Dans le registre hardcore, j’écoute aussi pas mal le dernier album de Mugshot, ainsi que le premier EP de CastxDown, qui mérite vraiment qu’on s’y attarde. Et dans un style complètement différent, je dirais que Dir En Grey reste, à mes yeux, l’un des groupes les plus impressionnants au monde. Leur créativité, leur évolution constante et la charge émotionnelle de leur musique sont vraiment uniques. À écouter sans modération, peu importe le genre qu’on écoute habituellement !
12/ Merci pour le temps accordé à mes questions, en espérant vous revoir très vite sur scène ! Les derniers mots de l’interview sont pour toi !
Merci à toi surtout pour l’intérêt et les questions ! On a mis énormément de nous dans Diary, donc ça fait toujours plaisir de pouvoir en parler et de partager un peu les coulisses du projet. On espère vraiment croiser un max de monde sur la route, en live — c’est là que tout prend vraiment vie. N’hésitez pas à venir nous voir, discuter, crier avec nous, c’est ce qui nous fait vibrer. Et surtout : continuez à faire vivre la scène, à soutenir les groupes, à aller aux concerts, parce que sans vous, tout ça n’a pas de sens. À très vite !