[ENGLISH VERSION BELOW]
Un jeudi soir d’automne, nous prenons la direction de Cenon, Le Rocher de Palmer, l’air déjà saturé d’impatience. Les aléas de la route nous jouent malheureusement des tours, le planning aussi ; résultat : le set de Royal Sorrow nous file sous le nez, sans qu’on ait pu croiser une seule note. Frustrant, oui, mais vite atténué dès les premières lueurs venues du Nord de Gåte.
Les Norvégiens prennent la scène, tissant un mélange de folklore et de puissance électrique. Entre incantations, mysticisme et énergie, c’est une vague envoûtante, aussi étrange que magnétique, qui nous emporte.
Dès les premières secondes, on est happés. La musique folk traditionnelle rencontre le rock progressif, des sonorités ancestrales s’entrelacent avec la modernité d’arrangements taillés au millimètre. La voix de Gunnhild Sundli envoie une puissance quasi chamanique, portée par des rythmes tantôt hypnotiques, tantôt tempétueux. On se retrouve plongés dans un conte scandinave, où la lumière et l’ombre se lient avec homogénéité. Dans le public, on est d’abord intrigué, puis captivé, presque envoûté. Gåte incarne et invoque quelque chose. Une émotion primaire, instinctive, à laquelle on ne peut que s’abandonner.
Après cette introduction, viennent les tant attendus Leprous. Après une petite demi-heure d’attente, la salle plonge dans le noir et laisse place à une ambiance chargée d’anticipation, presque solennelle. Et enfin, quand Einar Solberg apparaît, c’est une véritable déflagration d’émotions. Tout chez lui semble tendu, une fragilité palpable, une rage enfouie. Les premières notes s’élèvent et tout reste en suspens : cette voix, unique, déchirante, transperce l’air avec une précision désarmante. Le groupe déploie un son d’une clarté chirurgicale, mais chargé d’une émotion pure, sans artifice. On sent les années de maîtrise, de recherche du détail, et cette capacité particulière à faire vibrer la technique au service du cœur.
Silently Walking Alone ouvre le bal avec une puissance magnifique et une mélancolie tendue, avant que Illuminate et Bonneville ne fassent monter la température, mêlée de tension progressive et d’envolées émotionnelles. I Hear the Sirens ajoute une dimension plus spatiale, plus éthérée, plus aérienne. Puis vient la petite surprise de la soirée : la reprise du Take On Me de A-ha, qui fait basculer la salle dans un moment d’hommage et de réinvention. Repris à la sauce Leprous, le tube pop devient une ballade fragile, portée par la voix d’Einar, apportant sa touche de vulnérabilité et d’envolées assurées.
Les titres s’enchaînent et la tension reste. Le classique Below prend alors le relais, sombre et introspectif, avant que Alleviate ne vienne tout apaiser, délicat comme une respiration. Slave et The Price ramènent le tiraillement entre ténèbres et éclats de lumière, profondes et viscérales, ancrées dans cette dualité qui fait toute la force du groupe. Leprous joue avec les silences, les respirations, créant ce va-et-vient constant de tempête et de douceur. Les claviers se fondent dans des nappes cinématiques, pendant que les guitares sculptent l’espace. Tout est calculé, millimétré, et pourtant tout paraît instinctif et naturel, comme un feu de camp enfumé dont on ne peut deviner le moment où il va s’embraser.
À mesure que la setlist avance, on sent le groupe s’abandonner davantage. Like a Sunken Ship se dévoile comme une confession, noyée dans la dualité du chant, tantôt brutal, tantôt murmuré, renforcé par la puissance de chaque instrument. Puis survient Rewind, cathartique, hurlé du fond des tripes, un tour de force instrumental jouissif. L’indéboulonnable From the Flame embrase la salle dans une ferveur unanime, avant que Nighttime Disguise ne vienne explorer des zones d’ombre avec une puissance toute contenue. En rappel, Atonement referme doucement la blessure, dans un dernier cri mélodique avant le coup final, presque fatal. The Sky Is Red, grandiose et incandescent.
La prestation de Leprous est magistrale ! Einar, hurlant presque contre ses propres démons, chaque membre incarnant sa partition mathématique, mais remplie de cœur et d’âme, qui nous traverse le corps. Les lumières épousent chaque pulsation et battement, chaque parole délivrée avec intensité. La salle est frissonnante, vibrante, répondant aux montée incandescantes comme un seul homme. Leprous ne nous livre pas un banal concert : ils ouvrent nos failles, faites d’émotions enfouies, inconnues et brûlantes. Et quand ils les referment, il ne reste plus qu’un public moite et hagard qui se remet doucement de cette tempête, comme un vertige partagé.
Une soirée comme un coup de poing émotionnel. Gåte nous a envoûtés, Leprous nous a déchirés avec leur beauté froide, presque spirituelle, qui laisse un vide étrange une fois le son retombé. On quitte le Rocher un peu ailleurs, chamboulés, mais avec cette certitude : des groupes comme Leprous marquent l’âme et le cœur au fer rouge.
Merci à toute l’organisation, et membres du Rocher de Palmer, Base Productions et bien sur à tous les groupes présents !
[ENGLISH VERSION]
Vertigo and chills at Le Rocher de Palmer: A Night with Leprous and Gåte – (October 30, 2025 @Cenon)
One Thursday evening in autumn, we set off for Cenon, Le Rocher de Palmer, the air already thick with anticipation. Unfortunately, the vagaries of the road played tricks on us, as did the schedule; as a result, we missed Royal Sorrow’s set without hearing a single note. Frustrating, yes, but quickly mitigated by the first glimmers of light from Gåte.
The Norwegians took to the stage, weaving a blend of folklore and electric power. Between incantations, mysticism, and energy, we were swept away by a spellbinding wave, as strange as it was magnetic.
From the very first seconds, we are captivated. Traditional folk music meets progressive rock, ancestral sounds intertwine with the modernity of meticulously crafted arrangements. Gunnhild Sundli’s voice sends out an almost shamanic power, carried by rhythms that are sometimes hypnotic, sometimes stormy. We find ourselves immersed in a Scandinavian fairy tale, where light and shadow blend seamlessly. The audience is first intrigued, then captivated, almost spellbound. Gåte embodies and invokes something. A primal, instinctive emotion that we can only surrender to.
After this introduction, the long-awaited Leprous take the stage. After a short half-hour wait, the room plunges into darkness, giving way to an atmosphere charged with anticipation, almost solemn. And finally, when Einar Solberg appears, it’s a veritable explosion of emotions. Everything about him seems tense, a palpable fragility, a buried rage. The first notes rise and everything hangs in the air: that unique, heart-wrenching voice pierces the air with disarming precision. The band delivers a sound of surgical clarity, yet charged with pure, unadulterated emotion. You can feel the years of mastery, the attention to detail, and that special ability to make technique vibrate in the service of the heart.
Silently Walking Alone opens the ball with magnificent power and tense melancholy, before Illuminate and Bonneville raise the temperature, mixing progressive tension and emotional flights of fancy. I Hear the Sirens adds a more spatial, more ethereal, airy dimension. Then comes the little surprise of the evening: a cover of A-ha‘s Take On Me, which tips the room into a moment of homage and reinvention. Covered in Leprous style, the pop hit becomes a fragile ballad, carried by Einar’s voice, bringing its touch of vulnerability and assured flights of fancy.
The songs flow into one another and the tension remains. The classic Below then takes over, dark and introspective, before Alleviate comes in to calm everything down, delicate as a breath. Slave and The Price bring back the tension between darkness and bursts of light, deep and visceral, rooted in the duality that is the band’s strength. Leprous plays with silences and breaths, creating a constant back-and-forth between storm and calm. The keyboards blend into cinematic layers, while the guitars sculpt the space. Everything is calculated, precise, and yet everything seems instinctive and natural, like a smoky campfire whose moment of ignition is impossible to predict.
As the setlist progresses, you can feel the band letting go more and more. Like a Sunken Ship reveals itself as a confession, drowned in the duality of the vocals, sometimes brutal, sometimes whispered, reinforced by the power of each instrument. Then comes Rewind, cathartic, screamed from the depths of the gut, an exhilarating instrumental tour de force. The unshakeable From the Flame sets the room ablaze with unanimous fervor, before Nighttime Disguise explores darker areas with restrained power. As an encore, Atonement gently closes the wound with a final melodic cry before the final, almost fatal blow. The Sky Is Red, grandiose and incandescent.
Leprous performance is masterful ! Einar, almost screaming at his own demons, each member embodying their mathematical score, but filled with heart and soul, which pierces our bodies. The lights match every pulse and beat, every word delivered with intensity. The room is shivering, vibrating, responding to the incandescent crescendos as one. Leprous does not deliver a mundane concert: they open up our flaws, made of buried, unknown, and burning emotions. And when they close them again, all that remains is a sweaty and haggard audience slowly recovering from this storm, like a shared vertigo.
An evening like an emotional punch. Gåte captivated us, Leprous tore us apart with their cold, almost spiritual beauty, which leaves a strange void once the sound has faded. We leave Le Rocher feeling a little different, shaken, but with this certainty: bands like Leprous leave a lasting mark on the soul and the heart.
Thank you to the entire organization, the members of Le Rocher de Palmer, Base Productions, and of course all the bands who performed !
