Le Mercredi 18 Juin dernier, nous partons sous les premières chaleurs encore balbutiantes avant l’arrivée massive de la canicule, direction : Des Lendemains Qui Chantent à Tulle, en Corrèze.
Région de François Hollande … et de Varg Vikernes, personnage fortement (et aussi tristement) célèbre pour son implication au sein de la scène Black Metal norvégienne.
Deux salles, deux ambiances; et bientôt, une troisième.
C’est en effet avec Alcest, les rois du shoegaze/blackgaze français, que nous allons passer notre soirée.
Accompagnés de Holeteeth, jeune projet electro/trip-hop/brutal hip-hop, chargés d’ouvrir le bal.
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HOLETEETH
Une scène épurée, pas de décor, à l’exception du fond de scène d’Alcest en configuration minimale. On se concentre uniquement sur l’artiste, son micro, des pédales d’effets et de sample à ses pieds; ainsi qu’un carnet contenant toute ses notes, paroles et pensées qu’elle consultera plusieurs fois entre les morceaux. Quelques lumières, sobres, minimalistes. Des couleurs froides, des ambiances bleutées et violettes; parfois rouge, cette ambiance accentue l’immersion dans l’atmosphère introspective et singulière d’Holeteeth.
Son univers Trip-hop brutal & Dark hip-hop, mélange des nappes électroniques, des effets de basses façon trap, et des beats sombres et puissants. Les paroles, parfois en créole (le projet étant originaire de La Réunion) traitent du chaos intérieur, d’introspection, de noirceur, et également de perte. Holeteeth prendra d’ailleurs la parole avant le titre Free The Sufi, pour rendre hommage à son petit frère (River.19 ) malheureusement décédé; titre qui lui sera dédié, et interprété avec une sensibilité et une sincérité déchirante, émouvante.
Et justement, sur scène Holeteeth est habitée par ses compositions et son chant. Elle nous livre une performance remplie d’énergie et d’urgence. Elle parcourt la scène dans toute sa largeur, avec une tension palpable, on est face à une performance d’artiste qui donne toute sa passion et sa rage au service de son art, sans compromis. Sur chaque titre, on est plongé dans un univers sombre et chaotique. Parfois proche de la noise, mélangé à ce que pourrait faire un groupe comme Ho99o9.
Le projet est conçu, voulu comme un refuge : « Juste une maison pour nous tous », comme un espace partagé pour se retrouver dans la noirceur.
Holeteeth est une expérience à part. Comme immersion, une sorte de voyage intérieur, qui mélange violence, rage et vulnérabilité, à fleur de peau. C’est une performance qui frappe, qui surprend, qui interpelle. Une prestance qui peut déstabiliser tant elle est habitée, parfois à la limite de la transe. Ce ne sera pas fait pour tout le monde, mais ceux qui sauront rester ouverts pourrons apprécier le jusqu’au boutisme du projet.
Seul point négatif : Le public. Malheureusement trop peu nombreux pendant cette performance.
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ALCEST
Fort de leur dernier album en date, Les Chants de l’Aurore, Alcest continue de le défendre sur scène, avec une production magnifiquement upgradée et un décor inspiré directement de la pochette.
Sur la scène, on est littéralement projeté dans l’univers visuel de l’album : des teintes orangées, marron et crème, des herbes de pampas disposées de tous côtés. Et en point d’orgue, deux représentations en métal des oiseaux de la pochette avec, en toile de fond, un grand cercle lumineux évoquant le soleil levant. Celui-ci s’illuminera, tantôt de couleurs froides rappelant la lune, tantôt de tons doux et enveloppants. Ou encore de violet, de bleu ou de rouge éclatant pour souligner les moments les plus intenses du set.
En fond sonore, c’est une version calme et acoustique du thème de la série Vikings qui accompagne notre attente, parfaitement accordée à l’atmosphère du décor.
L’immersion est totale.
Le concert s’ouvre avec L’Envol, un titre qui porte bien son nom : on décolle immédiatement, prêt à être transporté, bercé, touché par l’univers d’Alcest.
Puis, suit Améthyste. Un morceau plus dansant et électrique, ponctué de passages hurlés, façon Black Metal. Les têtes bougent, les pieds battent le rythme. C’est puissant, beau, d’une efficacité redoutable. L’ambiance monte encore avec Protection, qui prolonge cette énergie. Le public se laisse porter avec plaisir.
Puis, vient le moment où on bascule. Non pas d’un cran, mais plutôt de deux ou trois : Sapphire.
Son build-up est progressif à la batterie, avant que le morceau parte totalement sous les lignes de basse vrombissantes…
L’un des morceaux favoris du public, interprété ici avec une maîtrise absolue.
Frissons garantis.
Si la première moitié du concert (et oui, déjà !) met l’accent sur les deux derniers albums, la seconde nous ramène à un extrait du cultissime Ecailles de Lune : Écailles de Lune – Part II.
Alternant entre déferlantes Black Metal et passages introspectifs et aériens, on se retrouve une nuit d’été, en bord de mer. L’esprit apaisé, plus rien ne compte hormis nous allonger et apprécier, simplement. Le doux embrun de la mer et les vagues en bande-son.
Un moment suspendu. Les yeux se ferment, les sourires s’installent : Voilà une (petite) idée de ce que Alcest peut faire ressentir en live.
Encore groggy, on reprend doucement contact avec la réalité grâce à Flamme Jumelle, véritable respiration feel-good, avec sa légèreté et sa chaleur bienveillante.
Ensuite, Le Miroir assombrit l’horizon, monte en puissance progressivement. Une introduction idéale pour mieux nous amener à l’apogée : Oiseaux de Proie.
Et quel final !
Huit minutes de déferlante sonore, à couper le souffle.
Pour la première fois dans cette chronique, je me permets de parler en mon nom : j’ai vu Alcest à plusieurs reprises, j’ai entendu ce morceau plusieurs fois…
Mais jamais avec une telle intensité.
L’interprétation de ce soir restera, pour moi, la plus forte et la plus incarnée. Une vague sonore à la beauté brute, un raz-de-marée émotionnel.
À la fin, je reste cloué sur place, incapable de formuler une pensée cohérente, encore sonné par ce que je viens de vivre.
Un Oiseaux de Proie sublime et magistral.
Une leçon de live, tout simplement.
Et pour refermer ce concert en apesanteur, quoi de mieux qu’un classique iconique ? Autre Temps en clôture, et la parenthèse se referme, tout en douceur. Un retour sur terre tout en légèreté, sans brutalité.
Nous aurons beau user de tous les stratagèmes pour faire revenir le groupe pour un éventuel rappel : applaudissements nourris, cris d’appel, le constat s’impose : c’est bel et bien terminé…
Mais sachant que Alcest joue dès le lendemain au Hellfest, nous ne pouvons que comprendre.
Encore une fois, Alcest confirme sa stature : entre intensité et onirisme, puissance et poésie.
Une expérience totale, de celles qui vous marquent profondément. On en ressort ému, apaisé, bouleversé… avec une seule envie : replonger au plus vite.
Seul vrai regret : l’absence de merchandising, à moins que je n’ai pas réussi à le trouver, peut-être liée à la proximité du Hellfest.
Mais franchement ? Tout le reste était déjà tellement parfait.
Un grand merci à toute l’organisation Des Lendemains Qui Chantent et leur accueil, The Link Production, à Holeteeth, et bien sur Alcest pour cette magnifique soirée.