Interview – FT (guitare, choeurs) – Déluge

Victor a pu rencontrer FT, guitariste du groupe Déluge, pour parler de leur nouvel album Ægo Templo disponible via Metal Blade.

 

Victor: Salut!

FT: Salut!

Victor: Est ce que tu pourrais commencer par te présenter et présenter Déluge pour les gens qui ne connaissent pas?

FT: Moi, je suis François-Thibault, à l’origine du projet Déluge, que j’aime bien définir comme de la musique inspirée par l’énergie primitive du black metal. On a longtemps cherché une étiquette et c’est souvent maladroit de s’auto étiqueter. On tombe souvent à côté, donc on est tantôt post black, post metal. Je ne pense pas vraiment qu’on soit un groupe de black metal parce qu’on ce qu’on recherche, ce qu’on assume, mais j’aime bien dire qu’on fait de la musique fortement inspirée par l’énergie primitive du black metal.

Victor: D’accord. Comment tu vois l’évolution entre le premier album « Aether » et le nouveau ?

FT: Le premier, c’était un peu une urgence, un besoin. J’avais besoin d’un projet qui qui me ressemble. J’ai fait un peu de musique. Ça fait presque 20 ans maintenant, mais c’est toujours pour d’autres projets. Là, j’avais besoin d’écrire quelque chose que je puisse maîtriser de bout en bout. Ce n’est pas vraiment une urgence, mais il y avait quelque chose d’assez naturel avec l’écriture du premier. Le deuxième est tout à fait différent, j’avais besoin d’avoir quelque chose d’autre à raconter et c’est pour ça qu’il y a beaucoup de temps entre les deux. C’est que je n’ai pas voulu voulu faire un Aether 2 avec les mêmes émotions. Le premier se suffit à lui même. On se retrouve encore beaucoup dans cet album aujourd’hui. Mais pour le deuxième il y a également l’aspect symbolique des choses. Mais le deuxième je voulais quelque chose de différent. Je voulais avoir une autre histoire à raconter. C’est un disque qui se veut plus ouvert avec un spectre d’émotions plus large. On a essayé de maintenir ce fil conducteur et l’essence du groupe qui est symbolisée par la mélancolie un peu ambiante qui est beaucoup plus mystérieuse sur le nouvel album, qui était plus présente et peut être plus brutal et plus triste sur le premier. Mais voilà ce qui peut dissocier les deux en termes d’approche philosophique.

Victor: Sur la toute la période après la sortie du premier album. Quel retour vous avez eu autant sur l’album qu’après des concerts?

FT: Sur le premier, c’est plutôt top. J’ai toujours vu un peu les choses en grand quand même pour Déluge, j’ai rien laissé au hasard. Depuis le début, je ne voulais pas que ce soit un petit truc qui bricole. Je voulais tout de suite qu’il se passe quelque chose. J’avais les moyens de le faire à ce moment là, j’avais du temps. J’avais un peu d’argent parce que j’ai vendu une société qui m’a permis de pouvoir subvenir aux frais pour produire un album, ce qui n’est pas donné à tout le monde. J’attendais, pour être tout à fait honnête, qu’on ne me pose pas cette question, mais j’attendais, j’attendais peut être au tournant. Je pensais qu’il y aurait un peu, entre guillemets, peut être un peu plus de haters parce qu’on jouait cette carte. C’est un petit peu plus franc du collier maintenant, puisque maintenant j’ai pu l’expliquer à maintes reprises. Mais de jouer cette carte inspirée du black métal plutôt que black métal moderne qui ne correspond pas franchement. 2015- 2020, il y a déjà 5 ans, on a évolué, on a réfléchi à tout ça. On a écumé un peu les salles et les orga black metal et on rejouera avec plaisir dans ce type d’endroit, avec ce type de groupe. C’est pas aujourd’hui trop ce qu’on propose, mais il y a une frontière commune. Mais les retours ont tous été vraiment super et j’ai même été surpris, justement, de jouer sur des scènes très black metal avec des mecs ou je disais: « on va peut être pas faire ce qu’ils attendent ». Et ces gens là venaient nous voir à la fin en disant: « Ben c’est chouette, c’est frais, c’est autre chose ». Bon, j’ai bien écouté les bracelets à pic voir paintés la plupart du temps mais là vous voir c’était chouette. C’est pas ce que j’aurais écouté instinctivement, mais c’est cool! » et d’avoir le retour de ces gens là c’était vraiment top.

Victor: D’accord! Vous avez changé de label entre le premier et le deuxième album. Vous êtes passé de Les Acteurs de l’Ombre à Metal Blade.  Comment c’est passé ce changement?

FT: Tout en souplesse. On avait plusieurs propositions pour le premier album et on en a eu d’autres pour le deuxième. Les Acteurs de l’Ombre faisait aussi partie de, je ne les ai pas mis de côté, faisait partie des options possibles pour le deuxième album. Je n’étais pas, je ne devais pas nécessairement partir. Et puis voilà, en comparant les propositions derrière il faut essayer de ne pas prendre les choses personnellement et voir ce qu’il y a de mieux pour le développement du groupe et le rayonnement. L’idée, c’est vraiment de faire le plus de choses possible, plus de tournées, de vendre le plus d’albums, être diffusé. On ne dépend pas financièrement de Déluge, mais il faut que ce soit équilibré. Mais quand on veut, on veut impacter parce qu’on a un message assez fort à dire et on veux le dire, plus de monde possible, en tout cas, que ça puisse être diffusé le plus largement possible. Donc ça se passe très, très bien avec Gérald, avec Metal Blade. Tout s’est passé en grande souplesse et même aujourd’hui, alors on a un faible recul, on est très, très content des échanges avec Metal Blade qui sont vraiment quotidien.

Victor: Pour le deuxième album comment s’est passé tout le processus de composition?Comment tu travailles pour composer les nouveaux morceaux?

FT: Là, c’était très compliqué parce que j’avais une idée en tête. Mais c’était un exercice que je ne maîtrisait pas puisque ce que je voulais créer, autant le premier, je pouvais l’entendre, je pouvais l’imaginer. C’était un peu plus monolithique. Il y a une espèce d’émotion majoritaire qui se développe tout au long de l’album, avec pas mal de variations. Mais on a un fil conducteur qui est assez évident, qui est beaucoup moins évident sur ce deuxième album. Du coup, c’est de la musique que je n’avais jamais composé. Je faisais tout tout seul pendant longtemps et là je me suis aidé de Thomas qui est à la base notre ingé lumière qui est aussi producteur et qui était le miroir de composition pendant un an et demi. En fait, c’était assez long, assez fatigant. Parce qu’il a fallu débloquer du temps vraiment pour ça, je voulais aussi tout décanter un petit peu parce que c’était vraiment quelque chose de nouveau. Si tu as écouté le premier, et je pense que tu écouté le deuxième aussi, c’est une autre approche et ça aurait été facile de se perdre aussi. Je voulais ouvrir le spectre, mais je ne voulais pas partir dans toutes les directions ni complètement balayer ce qu’on avait fait. C’est comme rénover une maison ou construire une maison. Il vaut mieux parfois partir de rien du tout. Et là, ce n’est pas le cas. On avait déjà des belles fondations qu’il fallait faire avec ces fondations là, en les incorporant, en les transcendant et en proposant aussi quelque chose d’autre. Pas qu’on tourne en boucle, comme énormément de groupes de la scène, à mon sens, le font. C’est album un , album deux, album trois avec deux gouttes de citron dans la purée qui changent le goût. On voulait vraiment proposer quelque chose de différent sans sans jeter tout ce qu’on avait.

Victor: D’accord, et donc, vous avez enregistré cet album. Comment s’est passé l’enregistrement?

FT: Alors, on a fait des batteries chez Amaury Sauvé à Laval, avec Benjamin et Thibault, qui a fait la production de l’album. Qui a fait le mix et le mastering. Ensuite on a fait guitare et basse de nos côtés puisque le confinement arrivait si je ne dis pas de bêtises. On a dû faire guitare et basse de nos côtés. Ils ont quand même pu faire les chants ensemble à Poitiers, chez Thibault et après, on a fait le mix et le master à distance aussi avec eux. Ça a été un peu, je ne veux pas dire du bricolage parcequ’on avait tout prévu. Et puis, tout était prévu depuis le début. On a trouvé des solutions qui font que ça permet de donner cette cohérence Thibault a vraiment chapeauté toutes les étapes d’enregistrement sur l’album.

Victor: Vous avez une chanson avec Tetsuya Fukagawa de Envy. Comment s’est passé le travail avec Tetsuya?

FT: Ça s’est fait à distance. Mais pareil, c’était aussi comme toutes les collaborations de l’album. Ça s’est fait très naturellement. On avait cette piste avec cette fin très screamo avec une espèce d’envolée, un peu un peu tumultueuse, très lumineuse aussi. Et je, ça suis vraiment screamo. Ça, ça serait marrant. Ça serait dingue d’avoir le chanteur d’Envy dessus, d’avoir Tetsuya. Je l’avais rencontré à un Hellfest il y a quelque temps, puis on a gardé contact et je me suis dit: « envois lui la piste, on verra. ». Du coup j’ai envoyé « Salut Testsu, on a cette piste là, on sort un album sur Metal Blade donc on aimerait bien savoir ce que tu en penses. Si ça te dit de poser dessus? » Il m’a répondu « c’est super! vas-y on le fait! » Alors ça a failli ne pas se faire à cause du confinement. Au Japon, c’était encore un peu plus strict qu’en France. On a pu quand même le faire. Ça aurait été un gros gros regret. Une fois que j’avais cette idée en tête, c’était compliqué de la déloger. Ça aurait été un grand regret de ne pas aller au bout de ce projet. Mais ça s’est passé.

Victor: Ça marche bien en plus le mélange français et japonais!

FT: A fond! Ça marche super bien! Ce qui est rigolo, c’est que je n’avais pas du tout donné de consigne sur le côté spoken word. En fait, ça maintient une tension dingue. Aujourd’hui, c’est que j’ai un peu l’impression que les instruments, c’est le tumulte, l’ouragan. Et au milieu tu as Tatsuya, qui reste impassible, qui récite ses poèmes, le poème qu’il a écrit pour la chanson. Il est au milieu dans la tempête et sa trace tout droit. Il maintient une tension…

Victor: Comme il le fait déjà très bien dans Envy!

FT: Exactement! Et c’est assez nouveau parce que le spoken word il le faisait déjà un peu dans Envy, mais là il le met vraiment en avant. Je ne pensais pas qu’il ferait, j’imaginais autre chose et du coup, il a vraiment créé ses parties

Victor: Vous avez ajouté du saxo par rapport à vos morceaux du premier album. Comment vous avez pris cette décision là et comment vous avez sélectionné qui allait venir jouer du saxo?

FT: C’est juste un arrangement dans une chanson. Il n’y a pas que dans une chanson, ça m’est venu naturellement. J’écoute beaucoup de jazz, beaucoup d’autre musique et c’est un instrument que j’adore. J’ai longtemps eu l’envie de faire ça, mais sans non plus que ce soit partie intégrante, que ça soit comme Shining. Ce n’est pas tout à fait ce que je recherche. J’écoute d’ailleurs très peu, mais j’avais envie de faire ça. Et là, ça se présentait. Ça m’a sauté aux yeux. On avait mis au début un peu de paroles et puis j’ai dit « on va retirer les paroles, ça ne marche pas et il faut du saxophone. » J’ai appelé Matthieu Metzger, qui a un type que j’avais rencontré il y a maintenant huit ans en tournée avec Klone, Gojira et Trepalium. Et puis, il était super emballé. Ça s’est fait. Il m’envoie ça un matin. « J’ai fait six sept prises hier. Voilà, je t’envoie ça. Qu’est ce que tu en penses? » Incroyable tout de suite. Je lui ai dit « Envoi ça à Thibault! » et c’est partie en studio. Ça s’est fait comme ça.

Victor: Comment tu vois une sortie d’album dans cette période un peu particulière?

FT: C’est bien triste. Après, c’est bien triste, mais en même temps, on peut quand même faire sortir des albums. C’est vrai que il manquerait plus qu’ils interdisent ça aussi… Mais c’est vrai que ce qui est dommage, c’est que des grands groupes, ça n’impacte pas. Il y a des groupes de studios comme Deathspell Omega, par exemple. Ils veulent pas jouer de toute façon. mais Nous, ce n’est pas notre projet. Le projet, c’est vraiment de faire du live, de sortir des albums d’une part mais surtout faire du live! C’est complémentaire pour nous, ça regarde que nous. Donc c’est très compliqué parce qu’il y a rien de mieux que de tourner, surtout pour promouvoir un album. Maintenant c’est les concerts et le numérique. Et voilà, il y a tout un pan qui est laissé à l’abandon. Et puis, c’est pas très justifié, je trouve. Je ne veux pas donner de leçons mais ce matin, pour venir ici, j’ai pris le métro. On est masqués certes mais on est les uns sur les autres.

Victor: On est d’accord!

FT: J’ai du mal à comprendre. Je veux pas faire de conspiration mais je ne vois pas la justification derrièreEt comme il n’y a pas de justification, il n’y a pas d’explication.

Victor: On donne pas de solutions qui pourraient être complètement autres. On vous donne les moyens, par exemple on vous permet plus facilement d’aller enregistrer un concert filmé.

FT: Je ne vois pas où ils veulent en venir. Sur quel sur quelle base ils se justifient. C’est vrai que je faisais partie des plus optimistes en me disant bon, ça va bien finir par s’arrêter un moment. On va en sortir un jour. Et là, quand je vois, je reste persuadé qu’on va sortir un jour. Mais quand je vois la prise de décision, ou plutôt l’absence de prise de décision notamment, surtout sur le secteur de la culture, je pense que ça va très, très mal se terminer. S’il n’y a pas un moment, il va falloir prendre partie de manière forte dans une direction dans une autre. C’est soit on confirme tout le monde deux mois, mais on le dit, soit on dit, on y va. Pis toutes les aides qu’on donne aux sociétés doivent être donnés à l’hôpital. Et puis, il y aura des réanimations pour tout le monde. Mais en tout cas où la vache va mal. Je suis persuadé que ça va mal finir. En tout cas, pour le secteur de la musique.

Victor: Il y a des pays où c’est déjà en train de mal finir. En Angleterre, il y a déjà je ne sais pas combien d’emplois menacés. C’est une catastrophe!

FT: Et puis en France, attention, ça va commencer. Là, on a desaides mais quand il va falloir commencer à rembourser… C’est des allègements de charges qui vont être remboursés et qui vont être dûs en tout cas a priori. Sauf que là, c’est pas comme si c’était reparti comme en 40! Et puis, les salles de concert! C’est surtout quand on a un établissement où, on va dire tout ce que tu gagnes en bénéfices tu l’investis dans des équipements pour sonoriser. C’est clairmeent pas les seules à morfler mais c’est très compliqué!

Victor: C’est à Rennes, par exemple, le Mondo Bizzaro risque de fermer!

FT: J’avais un bar à Nancy sur une péniche qui faisait jusqu’à 25 concerts par mois Et ça s’est très mal terminé. Finalement, d’une autre manière. Mais j’aurais bien morfler là aujourd’hui si je l’avais encore!

Victor: Est ce que vous avez quand même des projets pour 2021, si on est optimistes?

FT: Nous, on reste, on se met des œillères, on fait comme si tout allait se faire. On prépare la semaine prochaine on a un shooting lundi, après on trois jours de résidence et dimanche on répète. On répète quasiment tous les dimanches et on se dit bon. Si jamais on peut y aller, il faut que tout soit prêt. C’est pas du travail perdu non plus, mais c’est vrai qu’on ne mettrait pas le paquet comme ça si on sait qu’on tourne en mars . On mettrait plutôt ce coup de rush en février.

Victor: Vous avez quelques dates d’ici la fin de l’année?

FT: Ben là on a une tournée de presque trois semaines avec Igorrr. 14 dates en France. On a accepté de faire en assis-masqué-distanciation sociale si c’était nécessaire. Là, clairement, on a des informations aujourd’hui qui ne vont pas dans le bon sens. C’est pas annulé, mais ça me semble compliqué. Mais on veut vraiment la faire cette tournée, pas qu’on en ait besoin financièrement parce qu’on ne dépend pas financièrement de Déluge. Mais on veut le faire. C’est jouer les nouveaux morceaux. On a bossé comme des fous pour proposer ce qu’on va proposer, on va proposer un très beau spectacle en plus. Après on accepte ce qu’on nous impose après si les salles jouent pas le jeu ou si l’État rajoute encore des épreuves derrière ben on fera tout ce qu’on peut pour le faire! (NDLR: Les dates ont été annulées quelques jours après cette interview) Pour 2021 on a une dizaine de festivals, 40 dates prévues certaines validées certaines encore en booking. Des tournées sympa avec d’autres groupes. Pour l’instant, on n’annonce rien.

Victor: Est ce que tu aurais un dernier mot pour finir pour des gens qui ne connaîtraient pas Déluge?

FT: Peut être écouter « Baïne » sur le dernier album, qui est peut être une des pistes les plus accessibles qu’on ait écrites. Et puis après, faites vous une écoute distraite de tout l’album et revenez sur ce qui vous approchent. C’est vrai, c’est un beau bébé. C’est un album qu’il faut écouter, je pense. Et la première écoute je préfère la faire presque décomplexée en fond et après, reprendre cycle par cycle parce que c’est un beau voyage initiatique, mais il faut se le farcir.

Victor: D’accord! Merci pour tes réponses!

FT: Ben merci à toi!

 

Merci à FT pour sa disponibilité, à Roger et Replica Promotion pour cette opportunité et au Hard Rock Café pour l’accueil!

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