[Interview] Frank Iero

Alex : Merci d’abord pour cette interview.

Frank : Avec plaisir.

Alex : Première question : je me demandais pourquoi tu avais décidé d’abord de venir en Europe pour promouvoir ton album.

 Frank : C’est drôle, finir cet album était assez mouvementé, et on a finalisé l’artwork de l’album il y a seulement une semaine ! J’étais en Russie avec Death Spells, et j’étais en train d’essayer d’envoyer un mail à Angela, la personne qui a peint l’artwork de l’album, on n’arrêtait pas de vérifier les derniers détails et de se concerter et elle était géniale parce que c’était vraiment compliqué de rester en contact avec elle. Elle a vraiment été incroyable. On a donc fini ça quand je suis rentré et… Quel jour on est aujourd’hui ? Le 9 ? Donc j’étais encore là-bas le dernier jour d’Aout à finaliser l’artwork et dernières petites choses, étant donné que Vagrant ont leur propre directeur artistique. Donc, pourquoi avons-nous décidé de venir ici ? John, là-bas, travaille pour Hassle Records, la maison de disque qui produit l’album en Europe. On a trouvé cette semaine en particulier, juste entre les deux Riot Fest (Festival a Chicago et Denver), où j’étais à la maison et où ils avaient besoin de nous pour venir faire de la promo pour l’album (presse, musique…). La rentrée de mes enfants était le 7 Septembre. Donc on a d’abord décidé que je serai chez moi le 7, je prendrai l’avion le 8 et on a fini par tout organiser à ce moment-là avec les salles de concert.

G : C’était vraiment inattendu !

F : Oui, c’est exactement ça ! On n’avait rien annoncé deux jours avant notre venue !

G : Tout le monde était super excité et se demandait pourquoi tu annonçais ça seulement maintenant.

F : Je sais, je sais. Mais c’est ça qui est marrant.

A : Nous avons entendu ta nouvelle chanson, I’m A Mess qui est sortie mercredi, qui est bien différente de The Cellabration. Quelle est la chose la plus différente par rapport à cet album, si on le compare à Stomachaches ? Tu te sens plus à l’aise vis-à-vis de sa sortie ?

 F : Oui, évidemment. Quand j’ai fait Stomachaches, c’était vraiment pour moi même. Je ne voulais pas que les gens l’entendent ou qu’il sorte un jour. C’était un album que j’ai fait pour moi, dans ma cave et c’était tout. Un ami m’a présenté à certaines personnes et même avant que je le réalise, l’album allait sortir. C’était vraiment stressant parce que c’était comme si t’écrivais ton journal intime et que tout le monde allait entendre ce que j’avais écrit. Maintenant, j’ai écrit un album dont j’anticipais la sortie, et je sais que tout le monde va l’entendre. Maintenant, j’ai plus un sentiment d’anticipation qu’autre chose. J’ai hâte que les gens écoutent cet album. Je sens que I’m A Mess… Avez-vous écouté le reste de l’album ?

G : Non, c’était vraiment une interview dernière minute !

F : Ce n’est pas grave. Mess est vraiment une passerelle entre Stomachaches et Parachutes. Ce qui en sort, c’est qu’il y a bien plus de rebondissements, ce qui est cool. C’est pour ça que I’m A Mess est juste un avant-goût de l’album. Les gens vont être agréablement surpris avec ce qui en suit.

G : J’adore cette chanson. Une de mes préférées pour l’instant.

F : Super. Quand j’ai écrit cette chanson, on avait écrit 18 chansons pour l’album. On en a sorti seulement 12. C’était la chanson qu’on aimait tous le moins. Quand on l’a écrite, ça ne marchait pas vraiment. Mais lorsqu’on l’a pré-enregistrée, ça a fait tout son sens. Et maintenant, c’est l’une de mes préférées. C’est une des chansons les plus importantes et elle devait sortir en premier.

G : Tu as parlé d’Angela. Pourquoi tu as choisi cette artiste en particulier ? Comment as-tu réussi à lui transmettre tes idées et qu’est ce qui t’as poussé à choisir ce type d’imagerie pour ton prochain album ?

F : La première fois, j’avais eu la chance de travailler avec Heather Gabel (artiste américaine) dont j’étais fan et avec qui j’avais eu aussi la chance de travailler dans le passé. Cette fois, j’ai eu un énorme coup de cœur pour le travail d’Angela. C’est bizarre parce que quand j’ai vu la photo d’Heather (artwork de Stomachaches), j’ai su directement que c’était ça qu’il nous fallait pour l’album. Ça dépassait toutes mes attentes.  Et quand j’ai vu le travail d’Angela, je savais immédiatement qu’il fallait qu’elle fasse parti du projet. Et si elle ne voulait pas en faire parti, il aurait fallu que je la plagie –rires-. Mais je ne voulais pas faire ça., donc c’est génial qu’elle ait accepté. C’est une artiste super. Par exemple, elle a fait de grandes peintures murales et des pièces énormes (40×40). Elle a eu beaucoup de succès en peignant sur photos. Elle a fait pleins de trucs bizarres, dont cette série avec des fantômes. Et cette série là m’a vraiment parlée, par rapport à ce que l’album représente pour moi et son titre. Ceci mène donc à cela :  mon sentiment par rapport à la vie en général est qu’on est juste à une éventuelle disparition, un éventuel impact auquel on ne peut pas échapper. Tout va finir pour nous tous un jour. Certains d’entre nous s’en vont immédiatement en un clin d’œil, sans raison particulière. Certains d’entre nous ont la possibilité d’être sauvés. « Ces dispositifs de sauvetage », ceux-ci qui nous sauvent la vie, ces parachutes, ils peuvent être n’importe quoi. Des choses que tu aimes, comme l’art, l’amour, être un journaliste, tout ce qui te permets de planer avant de t’écraser. J’ai vraiment commencé à penser à ça. Qu’est ce qui définit ces choses ? Comment est ce qu’on parvient à les obtenir ? Comment est ce qu’on en arrive là ? La première chose dont on fait l’expérience dans notre vie sont nos parents. Ce sont eux qui nous protègent en premier dans la vie et nous sauvent. Ce sont eux nos premiers parachutes, la première chose que nous aimons. C’est comme ça que j’ai su qu’ils devaient faire partie de l’artwork. J’ai commencé à penser à cette représentation, à ces draps qui représentent les fantômes. Ils peuvent aussi être des parachutes. Et si être un fantôme et être un parachute pouvait être la même chose ? Nos parents, qui sont notre contact initial avec le monde, comme tout le monde, finissent par s’en aller, et finissent par nous sauver encore en nous laissant partir en tant que ces personnes qu’ils savaient que nous deviendrions un jour. C’est le thème principal de l’artwork.

G : Du coup, comment as-tu réalisé que la vie pouvait être comparée à un parachute ? Comment ça a pris sens pour toi ?

F : Oui, ça a du sens pour moi ! *rires*

G : Oui mais tu vois, par exemple, je n’y aurai pas pensée moi-même. Donc comment ça t’est venu à l’esprit ?

F : Je pense beaucoup à pleins de choses. Je pense, je pense et je pense trop à certaines choses. J’ai commencé à penser à ces chansons et à mes expériences qui me les ont inspirées. On avait ces conversations avec Ross Robinson (producteur) qu’avant je détestais, et que maintenant j’aime et je chéris. C’était par rapport à la pire chose qui ait pu arriver dans nos vies. La pire chose qui te soit arrivée dont tu puisses te souvenir par rapport à ton enfance. La deuxième question était par rapport à ta vie maintenant. Est ce que tu y changerais quelque chose ? Et la réponse était non. Si cette réponse était non, alors peut être que la pire chose qui t’était arrivée devenait la meilleure, puisqu’elle a fait que tu étais devenu celui que tu es maintenant. Cette chose a fait que tu t’es senti ainsi, que tu es devenu cela… Et si c’est le cas, ces choses que tu as vécues ont été horribles, terribles mais deviennent finalement tes sauveurs. Parfois, tu fais une horrible erreur, mais tu ne la referas plus jamais. Si tu avais refait cette erreur, peut être que ça aurait été la fin. C’est pour ça que j’ai commencé à penser à ce qui sauve les gens. Dans mon premier album, Toutes ces chansons que j’ai écrites étaient reliés à ces éléments, ces signes, ces maux d’estomac. Je peux retracer chaque chanson à un moment de ma vie où je me sentais horriblement mal et malade. Il y avait 12 chansons qui représentaient 12 maux d’estomac. Pour cet album, j’ai commencé à penser à 12 chansons qui correspondraient à 12 éléments qui auraient sauvé ma vie. J’ai commencé à penser au fait qu’on tombe tous incroyablement vite dans ce monde. C’est intéressant de penser à tout le processus qui a modelé l’album !

G : Oui, c’est vraiment hyper intéressant.

F : Je suis heureux, certaines personnes pourraient penser de la merde par rapport à ça !

A : On a vu que ta famille avait un énorme impact sur ta musique. Tu as fait une chanson avec tes filles. Quel impact a eu ta musique sur eux ? T’ont-ils aidé à faire cet album par exemple ?

F : Ce qui est marrant pour moi, c’est qu’ils (ses enfants) adorent faire de la musique et inventer des mélodies, c’est dingue ! Par exemple, on a fait la chanson B.F.F et pleins de choses ensembles, et ils m’ont encore plus aidé. Il y a une portion de la chanson Viva Indifference, l’avant-dernière chanson de l’album-, et le bridge de cette chanson est, pour moi du moins, un regard dans les coulisses de la vie. Cette chanson raconte à quel point c’est merveilleux d’être passif et de t’en foutre de tout. Parce que quand tu t’en fiches de tout, il ne t’arrivera rien de mal. La blague à part par rapport à ça, c’est que ce n’est pas vraiment la raison pour laquelle nous sommes là. Nous sommes là pour faire l’expérience du mauvais et du bon. Donc si tu ne fais pas ça… Bah… *rires* Les personnes dans la chanson réalisent qu’ils ne s’en fichent pas au final et ils se blâment les uns et les autres pour s’être montré au combien l’amour est important, ainsi que le fait s’accepter soi-même, de prendre compte des choses, d’avoir ces expériences. Le bridge de la chanson est comme je l’ai dit, derrière les rideaux, et les paroles sont : « Je travaille dans mon garage toute la journée, peignant des images, inventant des chansons, visitant la vie mais je ne peux rester longtemps, je dois trouver un autre moyen. ». J’ai écrit ça avec mon fils dans la voiture, en allant à Chuck E. Cheese. Et on a commencé à chantonner cette mélodie, j’ai commencé à trouver les mots allant avec, et on a fini par écrire cette chanson ensembles. Ça revient au fait, que, moi, en tant qu’artiste, je sois constamment entrain de manipuler les différentes choses autour de moi, auxquelles je tiens et qui sont toujours là pour m’inspirer. Ils (sa famille) m’inspirent infiniment. Et je crois que c’est la même chose pour eux. Et j’espère que c’est positif.

A :  Est ce que tu penses que tu vas continuer certains de tes anciens projets ou préfères tu évoluer et essayer de nouvelles choses ? Par exemple, James (Dewees, My Chemical Romance, The Get Up Kids, LeATHERMOUTH…) et toi aviez dit que Death Spells auraient surement un futur. Qu’en est-il de LeATHERMOUTH, Bloodnun ou même celui-ci ?

F : Je ne sais pas ! Concernant LeATHERMOUTH, des amis à moi avaient ce groupe. Ils avaient besoin d’un chanteur et je suis venu dans le groupe. Je me suis beaucoup amusé à le faire. Après ça, on a décidé d’en faire quelque chose de concret, on a eu un contrat d’album, et ils ont dû quitter le groupe parce qu’ils allaient à cette église, ils étaient très chrétiens, et leur pasteur ne voulait pas les laisser faire… C’était super bizarre. C’était des gars super mais une situation vraiment étrange. Du coup, je ne savais pas trop quoi faire, et j’ai pris un groupe pour faire les tournées, parce que je me sentais en devoir de le faire. Mais du coup, ce n’était plus vraiment un groupe. Ça ne marchait pas vraiment. J’adore ces chansons, j’adore l’album mais c’est bizarre, donc c’est pour ça que j’ai décidé de monter mon propre groupe !  C’est pour ça que j’ai commencé à penser à Cellabration et Patience. Par rapport à Death Spells, James et moi avons les emplois du temps les plus chargés. Dès qu’on aura de nouveau du temps libre, on fera sûrement quelque chose. Quel était l’autre ? Bloodnun… On verra bien.

G : Et Pencey Prep ?

F : Pencey Prep ? Probablement jamais. *rires* Tous les mois, moi, Shaun et Hambone nous voyons pour petit déjeuner mais c’est tout ce qu’il reste de ça.

G : Et est ce que tu penses que tous ces projets sont liés ?

F : Ils le sont !

G : Et est ce qu’ils représentent chacun une partie de toi ou est ce qu’il y a une chose en particulière qui ressort d’eux qui les relient par exemple ?

F : Ce n’est pas aussi simple que si on pouvait trouver un lien direct les reliant qui forment une image, mais pour moi, c’est plus comme construire un immeuble. Sans un, l’autre n’existerait pas, et les bases s’effaceraient.  C’est pourquoi c’était si important pour moi de finir l’album de Death Spells avant de faire Parachutes, parce que je sais que personnellement, je n’aurai pas pu arriver à Stomachaches ou particulièrement Parachutes sans Death Spells. J’ai senti qu’il fallait qu’il sorte pour que je puisse finir Parachutes, étant donné que j’avais un peu de mal à le faire. Et une fois que l’album de Death Spells était fini, c’était *bruit d’explosion* génial ! Je fais beaucoup de références. D’ailleurs, il y a une référence à Pencey Prep dans Parachutes. Je ne sais pas si quelqu’un s’en rendra compte mais elle y est. Il n’y a pas de moyen pour que tu deviennes la personne que tu es aujourd’hui, ou toi, ou toi sans ton passé. Ces choses bizarres qui te sont arrivées quand t’avais 5 ans te forment, te changent, tu ne le réalises mais c’est tellement important. Tu ne peux pas avoir un présent sans un futur. C’est un véritable voyage. Et il y a des trucs que tu as fait, qui te foutent vraiment la honte. Quand ces chansons ont été écrites, j’avais 16 ou 17 ans, et il y a des chansons sur cet album… Je ne veux même penser au fait qu’elles soient sur un album ! Mais qu’est ce que tu peux y faire ? C’était la personne que j’étais avant et ça a changé qui je suis maintenant.

G : Dernière question. Tu es énormément sur internet pour donner des informations sur l’album par exemple…

F : Je suis super doué en réseaux sociaux ! J’utilise beaucoup Twitter. Je détruis les réseaux sociaux ! Je peux utiliser Twitter et Instagram. Snapchat ? Je n’ai pas de compte parce que je n’ai aucune idée de comment ça marche.

G : C’est facile !

F : C’est ce que tout le monde me dit ! Tout le monde me dit : ‘C’est trop facile, je vais te montrer ! » Mais je n’y arrive jamais ! Je ne réussis pas à utiliser Facebook. Ça n’a aucun sens pour moi !

G : C’est le pire de toute façon !

F : Merci à Vagrant et aux personnes chez moi qui s’occupent du site internet et de Facebook. Mais continue !

G : Pas de problèmes, c’est juste que tu devrais essayer de faire marcher Snapchat !

F : Mais c’est le truc, pourquoi les gens sont si enthousiastes par rapport à Snapchat ?

G : C’est marrant, mais d’un autre côté, ça te montre la vie de tout le monde, tu rentres dans leurs vies et… Au final, tu n’en as rien à faire de leurs vies à tous !

F : C’est ça le truc ! Pourquoi les gens voudraient de ça ? Ça a l’air horrible !

G : (suite de la question) Pour nous, internet a un aspect vraiment positif d’un certain point. Par exemple, on s’est rencontrées grâce à internet, des trucs comme ça, comme aller à des concerts avec des gens que tu as rencontrés sur Twitter ! Mais parallèlement à ça, Internet peut être vraiment dangereux, à cause de certaines personnes qui ont tendance à être vraiment méchantes derrière leurs écrans. Et toi, qu’est ce que tu retires de ça ? Est ce que, en tant que personne connue, tu en retires un aspect plus positif ou négatif ?

F : Il y a un vrai problème avec Internet, et particulièrement (sans vouloir passer pour un vieux papa par rapport à ça, mais juste en le disant, je passe probablement pour ça) avec la génération la plus jeune sur internet. Le problème est l’attention qu’ils veulent, parce qu’ils ne savent pas voir la différence entre un acte positif ou négatif pour se faire remarquer. Ils veulent juste n’importe quelle réaction, juste pour se faire remarquer. Ils s’en fichent que ça soit positif ou négatif, ce qui est vraiment horrible, et ça se ressent dans la vraie vie. Ces jeunes font des choses qui font qu’ils ne se respectent pas, juste pour se faire remarquer. C’est triste, vraiment triste. Je ne sais pas si moi, en tant que personne extérieure, ou si quelqu’un peut réparer cela, puisque c’est quelque chose d’intérieur. Je pense que notre population mondiale se base sur les célébrités ou les personnes connues. Par exemple, tu demandes à un jeune ce qu’il veut faire plus tard, et certains répondront qu’ils veulent être connus. Qu’est ce que ça veut dire ? Être connu mais pour quoi ? Ils s’en fichent. Ce n’est pas comme s’ils voulaient être un athlète, un musicien ou un acteur. Ils veulent juste être connus. Et des personnes réussissent ça ! Des gens sont connus et tu as aucune idée de pourquoi ils sont aussi connus !

G : Les Kardashians !

F : Quelque chose comme ça oui, ou les gens connus sur Twitter, ou Youtube, ou Snapchat… Pourquoi ? C’est une atmosphère assez voyeuriste qui s’installe. Il y a beaucoup de problèmes mais il y a du positif et du négatif partout ! Il y a du bien qui peut être fait dans les réseaux sociaux ou sur internet, mais il y en a une minorité qui est vraiment ‘bruyante’.

G : Je pense que tu ressens vraiment ça, par exemple, sur Twitter, il y a beaucoup de gens à qui tu as envie de dire de pas revenir sur Internet un jour ! Mais on peut rien y faire.

F : Non, tu ne peux rien y faire. Il n’y a pas de bien sans mal. Ces gens là donnent juste l’air aux bonnes personnes d’être encore meilleures !

Interview en compagnie de Gabrielle Ravet et Fanny Redon (caméra).

Merci à Gabrielle pour la traduction.

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