Interview – Carcariass

Courant février, Victor a pu rencontrer Bébert du groupe Carcariass, au Black Dog,  pour parler de leur carrière et de l’album « Planet Chaos » sorti l’an dernier chez Great Dance Records.

 

Victor: Peux-tu présenter le groupe, nous parler de votre histoire, pour ceux qui ne vous connaissent pas ?

Bébert: Alors, Carcariass… on s’est créé en 1994, avec une première démo qui s’appelait « Ancestral War ». Premier album en 1996, « Hell On Earth », ensuite vient « Sideral Torment » en 98, avec quelques concerts dans l’hexagone. En 2002 sort l’album « Killing Process, enregistré par Stephane Buriez, de Loudblast qui est sorti chez Adipocere Ricords. C’est un album qui nous a propulsé un peu plus, sur la scène française. On est toujours resté assez Europe de l’Ouest, on n’a pas vraiment percé hors de France. On a fait pas mal de concert en Europe de l’ouest et on a eu du mal a bouger de notre cocon.

En 2004, on a arrêté les concerts, mais on continuait de composer, de se voir et en 2008, on a sorti l’album E-Xtinction, toujours enregistré par Stephan Buriez, chez Great Dane Records, mais sans concert.

On a annoncé notre retour sur scène en 2016, il y a eu un petit engouement autour de Carcariass, donc on a été contacté par différents festivals, dont le Hellfest. Comme en parallèle on a toujours composé des morceaux, en début d’année 2019, on est parti en studio enregistrer un nouvel album. Voilà où on en est aujourd’hui.

 

Victor: J’ai vu qu’entre ce nouvel album et le précédent, vous aviez quand même fait des rééditions d’anciens albums, mais avec des ajouts de titres. C’était des titres que vous avez composés par la suite et que vous avez ajoutés ou des titres de la période qui n’avait pas été retenu 

Bébert: Non, c’était des anciens titres. Je ne sais plus, mais les rééditions étaient surtout des albums. Donc il y a eu Hell and Torment, qui reprend les deux premiers albums avec des extraits live et la première démo qui avait été réenregistré. Ensuite, il y a eu une réédition de l’album Killing Process avec des bonus track et il doit y avoir Max [ Otero ] de Mercyless qui est venu chanté sur une chanson [ Revenger ]. Puis une réédition de E-Xtinction en digipack et remasterisé aussi, je crois.

 

Victor: Quand vous avez fait le choix, en 2016, de revenir sur scène après plus de 10 ans sans faire de concert. D’où est venu ce choix et qu’avez-vous retirer du Hellfest ?

Bébert: Déjà, on est revenu sur scène parce que ça commençait à nous démanger. Je pense qu’on a arrêté parce qu’on a des jobs à côté, on a une vie familiale et je crois qu’on a toujours eu plus de plaisir à composer, à jouer en répète que d’avoir la contrainte de se préparer, de ranger du matériel, partir en concert. D’attendre des heures avant de jouer, enfin …

 

Victor: Bloquer une journée pour jouer deux heures, quoi.

Bébert: Oui ou de jouer pour un concert où il y a cinquante personnes, tu as toujours du plaisir, même quand tu joues devant peu de monde, mais ça devenait parfois une contrainte et on se faisait tellement chier avant de jouer ! On faisait les balances quatre heures avant, tu ne peux pas picoler parce que si tu arrives bourrés sur scène, t’as un peu l’air con, donc tu te fais chier, quoi. Après, il y en a qui adore ça, mais nous…

 

Victor: Ça ne vous passionnait pas et du coup, vous étiez plus pour de l’enregistrement.

Bébert: Oui, de l’enregistrement. Quand on se voit, on répète. Au moins, en répète, tu joues tout de suite. On a une vision un peu différente de certains groupes, on fait de la musique, comme beaucoup, pour se faire plaisir, mais on ne se met aucune contrainte. On sait très bien que c’est bien de faire une tournée quand tu viens de sortir un album, mais si ça nous fait chier, on ne le fait pas, c’est tout.

 

Victor: Mais si il y a une date qui se présente ?

Bébert: On y va, si on la sent, on la fait. On le fait aussi en fonction des gens qui viendrait nous voir. On ne veut pas la jouer dans des petites salles. À un moment donné, on va jouer là, mais on n’aura pas la garantie qu’on aura un bon son. Si c’est pour jouer et que ce soit la cacophonie, c’est pas la peine. On fait une musique assez précise, en plus… mais je pense que c’est surtout notre côté un peu « feignasse » qui fait que…

 

Victor: Et pour le Hellfest, du coup ? J’ai vu des videos, il y avait du monde.

Bébert: Oui, c’est vrai qu’on a été agréablement surpris. On est un petit groupe, on jouait vers midi, je ne sais plus, mais déjà à cette heure-là, c’était plein. Et puis on était assez bien attendu, parce que, semble-t-il, beaucoup de gens venaient pour nous, sur la scène, je ne parle pas du Hellfest.

 

Victor: Les gens étaient là pour vous, ils ne se sont pas juste déplacés pour se dire : « tiens, un concert! ».

Bébert: Oui, je pense que les gens qui viennent à midi, ne sont pas là pour rien et on a vu pas mal de gens avec des t-shirt Carcariass, ça nous a bien motivé et c’est une expérience quand même intéressante.

 

Victor: Pour l’album « Planet Chaos », donc c’est 10 ans après votre dernier album. Comment s’est passée la partie compo ? Tu m’as dit que vous aviez déjà des morceaux sous le coude, mais y’en a surement d’autres qui ont été composés pour, non ?

Bébert: Oui, mais la plupart étaient quand même déjà composés, mise à part un ou deux qui ont été rajouté entre temps, mais c’est des morceaux qui ont eu le temps de bien macérer, de bien mûrir. On les a fait tourner des années en répète, du coup quand on a été en studio, les morceaux étaient déjà bien travaillés, il n’y avait plus de gras. On les a bien décortiqués, on a bien raccourci aussi. L’album peut paraitre long, à savoir qu’on a enlevé des morceaux de 2/3 minutes, d’ailleurs on aurait peut-être du faire un double album si on avait tout laissé.

On n’a jamais arrêté de composer, alors c’est Pascal, le guitariste, qui compose toutes les parties mélodiques, tout ce qui est guitare. Après, il m’envoie les pistes, je compose la batterie, on valide ça, la mise en place, on enlève des plans, on en rajoute, on en rallonge. Une fois que la guitare-batterie est validé, on rajoute la basse, après ça peut encore faire bouger un peu la guitare-batterie sur certains plans. Après, si le besoin s’en fait ressentir, on met du chant. Mais le chant, au départ, n’est pas primordiale. On aime bien les longs passages instrumentaux.

 

Victor: Du coup, vous avez enregistré avec DROP de Samael. Comment s’est passée cette collaboration ?

Bébert: C’est quelqu’un qu’on connaissait depuis longtemps, c’est aussi le membre fondateur du groupe Sybreed. Il jouait avant dans un autre groupe qui s’appelait Rain et on avait tourné avec eux lors du Adipocere Tour en 2002 ou 2004, je ne sais plus. C’était Carcariass en tête d’affiche, il y avait Furia, Rain avec DROP et puis le tout petit groupe en première partie, c’était Benigted… qui a bien évolué depuis ! On se connaissait donc depuis un moment et comme il n’était pas loin de chez nous, on est de Besançon, Pascal est sur Genève, c’était beaucoup plus facile pour nous d’aller enregistrer chez lui et on a l’avantage d’être sur la même longueur d’onde en matière de musique. Tu gagnes beaucoup de temps en studio quand tu parles de la même chose : «  Ah tiens, j’aimerai bien ce son, tu sais comme le groupe X dans tel album. » Parce que si tu veux enregistrer avec quelqu’un qui ne fait que du Jazz ou des trucs comme ça, tu peux vite péter un câble. Quand tu lui dis «  on aimerai ce son là » et que ça colle pas et il [ DROP] a une super expérience : Sybreed, Samael, c’est quand même des groupes…

Victor: Oui, c’est des groupes qui tournent bien.

Bébert: Oui et qui ont de bonnes références.

 

Victor: Et pour continuer sur l’album, le master a été fait par Jens Borgen, qui a quand même fait des albums pour Amon Amarth, Arch Enemy etc. Est-ce que vous avez travaillé directement avec lui ?

Bébert: Non, c’était via DROP. Il nous a conseillé de ne pas faire le mastering chez lui. Il aurait pu le faire, mais c’était pour apporter une dimension supplémentaire, un oeil supplémentaire, enfin, une oreille supplémentaire sur l’album. Sinon on aurait fait un mastering qui aurait été l’évolution du mixage déjà fait avec le risque de… enfin, ça aurait été très bien, mais là, d’avoir une touche supplémentaire, même si je ne suis pas assez connaisseur pour parler du gain globale qu’on a pu avoir, mais en tout cas, on a envoyé les bandes-son chez lui et puis il a tout fait depuis la Suède. On ne s’est pas déplacé jusqu’en Suède.

 

Victor: Tu disais tout à l’heure que le chant n’est pas primordiale et on le voit sur l’album, il y a beaucoup s de piste instrumentales. Est-ce que vous avez quand même des thèmes cachés derrière cet instrumental, des idées d’histoires ?

Bébert: Alors, c’est vrai que l’environnement, l’album et ce qu’on a toujours aimé dans Carcariass – alors ça se ressent moins sur les albums précédents, parce qu’on été moins partis sur les concept album, mais on aime bien tout ce qui est un peu science-fiction, fantastique, futuriste, espace, enfin quitter un peu le monde au quotidien. Cette ambiance un peu, futuriste, Aliens, Terminator, les machines, les Aliens qui prennent le dessus sur l’humanité. C’est pas très philosophique, mais c’est ce qu’on aime.

 

Victor: C’est bien de changer des albums qui veulent forcément dénoncer quelque chose, c’est bien d’avoir des albums ou c’est juste… ou on a un univers.

Bébert: Voilà, après nous, c’est assez neutre. On ne porte pas de jugement. Il y a juste une chanson qui est peut-être plus ciblée, c’est : Letter From The Trench, qui a été inspirée de lettre de poilus. On a fait un copier-coller, traduit en anglais, réadapté pour que ça puisse coller au plan de la musique, mais voila, c’est des lettres de poilus qu’on a retranscrite. On s’est fait influencé par le fait que, avant d’aller en studio, en 2018, il y a eu les 100 ans de la guerre 14-18. Il y a eu un rabâchage médiatique là-dessus et puis, comme cette chanson est assez mélancolique, c’est vrai que les lettres de poilus apportaient cette touche un peu poignante de la mélancolie. Le côté violent de la guerre, mais aussi ce côté mélancolique, sentimental que peut avoir finalement le soldat qui envoie une lettre d’amour à sa famille. C’est ç aussi qui est un peu plaisant, c’est le contraste : tu as l’amour d’un côté et les gens qui te manquent et de l’autre faut y aller pour défendre.

 

Victor: Avec cet album, qui est sorti en fin d’année dernière, est-ce que vous avez des envies de retourner sur scène, de faire quelques concerts ?

Bébert: Oui, bien sûr. Alors, peut-être qu’avec le temps on devient un peu plus difficile, comme on a aucune contrainte en terme de label. On aurait signé sur un très gros label, d’ailleurs on a eu une proposition, mais lui voulait un engagement sur les tournées et on ne voulait pas. Si on fait de la musique et que derrière on a des contraintes, ça nous fait chier. On aurait eu vingt ans, peut-être qu’on aurait dit oui, on était peut-être prêt à tout lâcher pour la musique, mais aujourd’hui on a la conscience. On sait très bien que même si la musique pouvait marcher, même à fond, ça serait pour combien de temps ?

 

Victor: Et puis, aujourd’hui, comme les modes de consommations de musique ont changés, c’est pas grave, en fait.

Bébert: Justement, ce qui nous a bien plu, c’est d’avoir tous les droits sur digitaux et tout. Et on s’aperçoit – bon déjà, j’avais pas trop confiance dans les labels, c’est pour ça qu’on leur a dit « non, non, on veut garder tous les droits » et puis quand je vois ce que rapporte les droits digitaux… Aujourd’hui, un groupe qui veut gagner de l’argent, il faut qu’il fasse des tournées. C’est les ventes de Merchandizing et les éventuels cachets qui peuvent te faire gagner de l’argent.

 

Victor: Oui, aujourd’hui, les droits digitaux c’est 0,001ct l’écoute, c’est rien du tout.

Bébert: Mais au début j’avais des doutes la-dessus, c’est pour ça qu’on s’est dit qu’on allait garder les droits et puis en fait, autant tout laisser, on s’en fout.

 

Victor: Pour terminer, est-ce qu’en ce moment, il y a des groupes ou des albums qui vous ont plu ? Où qui t’ont plu ?

Bébert: Tu veux dire des groupes qu’on aime ?

Victor: Oui, c’est bien, ça permet de découvrir d’autres groupes aussi.

Bébert: Alors, déjà, la base de Carcariass – on ne cherche pas à copier tel ou tel groupe quand on joue, mais tout musicien est influencé par ce qu’il écoute, même sans le savoir, mais la racine de Carcariass pourrait être posée sur trois groupes : Death, Iron Maiden et Coroner ? Alors j’invite ceux qui ne connaissent pas à découvrir ces groupes-là, bon après iron Maiden, je pense que tout le monde connait, Death aussi, je pense que beaucoup connaissent, Coroner peut être moins, parce que ça fait un moment qu’ils n’ont pas sorti d’album et que ça commence à aire parti des vieux groupes, mais voilà, ils ont eu leur influence.

 

Maintenant dans les groupes récents, alors je ne sais pas si c’est l’âge qui fait qu’on devient de plus en plus difficile, mais c’est de moins en moins facile d’être surpris. Beaucoup de groupe ont souvent le même son, certains groupes sont plus techniques que musicaux, alors ouais, ok, ils jouent super bien, mais à mon avis, on en oublie l’efficacité et ça devient un peu blasant. Néanmoins, y’a quand même de très bons groupes qui sortent, j’ai bien aimé le dernier Cattle Decapitation, qui est du gros bourrin mais avec une petite originalité pas déplaisante, ça joue bien mais c’est pas démonstratif et je trouve qu’ils ont un super son.

 

Victor: Merci beaucoup pour tes réponses! 

 

Merci à Roger et Replica Promotion pour l’opportunité, à Bébert pour ses réponses et l’accueil et enfin au Black Dog pour nous avoir permis de réaliser cette interview

 

Merci aussi à Lilly pour l’aide pour la retranscription!

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